Sans préjuger de la décision finale d’un arrêt définitif du projet DIGICEL, en tant que partenaire local, je souhaite intervenir en mon nom propre sans engager mon associé DIGICEL qui a décidé de garder un profil bas dans l’immédiat.
Je rappelle que le groupe Wan avait déjà un projet de téléphonie mobile voilà 16 ans avec MOTOROLA. Après réflexion, avec l’OPT et ALCATEL nous avions finalement décidé d’unir nos efforts et de créer TIKIPHONE en 1994.
Depuis, nous sommes sortis de TIKIPHONE en même temps qu’ALCATEL, avec une clause de non-concurrence limitative dans le temps que nous avions respectée. Depuis 17 ans, TIKIPHONE s’est bien développé dans un environnement monopolistique; c’est tant mieux pour l’OPT.
Aujourd’hui on parle beaucoup de l’ouverture à la concurrence qui est devenue la tarte à la crème dans les débats publics. Avec mon expérience de TIKIPHONE et maintenant de DIGICEL, je souhaite apporter, avec un certain recul, ma vision des choses. Je comprends la déception de tous ceux qui m’ont soutenu durant ces trois années de procédure pour essayer de lancer le projet de DIGICEL. Je m’excuse d’avoir déçu nos 25 employés locaux qu’on a dû licencier : on ne peut rester insensible face à cette détresse sociale.
En ce début d’année 2011, des événements importants sont intervenus dans le dossier DIGICEL :
- Le 21 janvier 2011, DIGICEL face à la menace de la loi DROLLET anti-DIGICEL et au paiement exigible des 500 millions XPF de la licence, après mûre réflexion, a écrit au Service des Postes et Télécommunications (SPT) pour que le Conseil des ministres retire son Autorisation d’Utilisation de Fréquence (AUF). Face au refus du SPT qui nous a proposé à tort une procédure d’abrogation au lieu d’un retrait, une autre lettre a été adressée au Président du Gouvernement pour confirmer que notre demande de retrait était légalement fondée.
- Le 2 février 2011, le Conseil d’Etat a jugé que la loi anti-DIGICEL de Jacqui DROLLET était illégale.
- Le 8 février 2011, le Tribunal administratif de Papeete a annulé notre AUF jugée illégale. Le Service des Postes et Télécommunications (SPT) nous a donc induit en erreur dans l’obtention de l’AUF. Le Conseil des ministres qui a été pris de vitesse par le juge administratif n’a donc plus lieu de procéder au retrait de notre AUF qui n’existe plus légalement. Si la procédure imposée par le SPT a été jugée illégale, alors le gouvernement qui est chargé de « veiller » à une concurrence saine et loyale, selon le Code des P&T et le Cahier des charges, devrait également abroger les AUF de TIKIPHONE et de MARA TELECOM qui ont suivi la même procédure que nous. Auquel cas, le PAYS devra assumer les pertes d’exploitation engendrées par l’arrêt des activités. Par ailleurs, le juge administratif devrait certainement annuler l’AUF de TIKIPHONE et de MARA TELECOM, si un recours au Tribunal administratif était introduit. Contrairement à MARA TELECOM et VITI, nous n’avions pas eu de cahier de charges pour deux raisons principales :
- la loi anti-DIGICEL de Jacqui DROLLET nous a poussés à rompre immédiatement nos discussions du Cahier des charges avec le SPT;
- il nous était inopportun de conclure un cahier des charges qui allait de toute manière changer avec la refonte en cours du Code des P&T. Comme il sera détaillé plus bas, DIGICEL conseillé par ses bailleurs de fonds ne pouvait pas se contenter de « grandes conclusions » du TE ARA HOTU pour commencer à investir des milliards ; la connaissance des nouvelles contraintes de la règlementation s’imposait. Donc oui, on s’était engagé sous l’ancien Code des P&T ; d’ailleurs, on n’avait pas vraiment le choix sinon notre dossier déposé en Janvier 2009 aurait été retoqué par le SPT. Mais comme ce code allait subir un profond changement, nos bailleurs de fonds étaient réticents face au risque juridique de ce projet. Le ministre de l’économie numérique (Teva ROFRITSCH) étant lui-même issu du milieu bancaire, doit comprendre cette position.
Comme vous pouvez le deviner, nous avions décidé de suspendre brutalement notre projet en octobre 2010 pour une raison simple : le manque de confiance !
- le manque de confiance en ce pays versé dans l’instabilité politique. Nous avions vu notre dossier traité par plus de quatre gouvernements différents depuis 2008. Chacun y est allé avec sa propre version des textes réglementaires, pour ensuite voir nos élus de l’Assemblée voter une loi anti-DIGICEL après 3 ans de procédure.
- le manque de confiance en la puissance publique qui malheureusement maintient sa position de « juge et partie » face à l’ouverture à la concurrence. Avec l’arrivée d’un nouveau ministre de l’économie numérique, on avait espéré un message fort pour que le PAYS fasse cesser ce conflit d’intérêt latent. Comment le PAYS peut-il continuer à être propriétaire du monopole OPT-TIKIPHONE et fixer les règles de la concurrence tout en étant seul arbitre ? Le PAYS qui veut faire cesser les « abus de position dominante » dans notre économie, est le premier à ne pas montrer l’exemple avec son monopole de l’OPT !
Dans ce « mélange des genres » que l’on pourrait appeler le complexe « politico-OPT« , s’entremêlent discrètement les relations incestueuses entre le pouvoir politique et l’OPT.
Ci-dessous quelques exemples flagrants qui illustrent un système OPT bien verrouillé. Constatez-le par vous-mêmes le conflit d’intérêt est devenu monnaie courante :
- Les diverses affaires politico-judiciaires de l’OPT qui éclatent au grand jour, nous rappellent que cet établissement public-privé restera malgré tout la chasse gardée du complexe « politico-OPT ». La « dépolitisation » de l’OPT voulue par Teva ROFRITSCH ne changera en rien l’existence du conflit d’intérêt latent.
- Le 1er avril 2009, le Conseil des ministres nous avait refusé notre demande initiale d’autorisation d’investissement étranger à l’initiative du ministre en charge de l’époque, M. Georges PUCHON. Ce dernier qui n’est plus ministre a réintégré depuis son employeur d’origine, l’OPT !
- Des ministres et représentants de l’Assemblée de P.F. siègent à des postes clé du Conseil d’Administration de l’OPT qui est propriétaire de TIKIPHONE, notre concurrent direct. Comment ces décideurs politiques peuvent-ils donc assurer une neutralité dans le traitement de nos dossiers, alors qu’ils sont payés indirectement en avantages ou en nature (voir Délibération n°QD01-2008/OPT du 8 janvier 2008) par l’OPT ? On frise le cas de « la corruption passive et le trafic d’influence » sanctionné par l’article 432-11 du Code pénal qui dispose :
« Est puni de dix ans d’emprisonnement et de 1 000 000 F d’amende le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif public, de solliciter ou d’agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques :
1° Soit pour accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ;
2° Soit pour abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable. »
M. Jacqui DROLLET lorsqu’il était ministre de l’économie numérique, a eu accès à notre dossier confidentiel au Service des Postes et de Télécommunications (SPT) pour refuser notre dossier avant le renversement de leur gouvernement en novembre 2009. On sait que de sources sérieuses, des lettres officielles de la direction de l’OPT et de TIKIPHONE, ont été adressées au pouvoir politique pour faire barrage spécifiquement à DIGICEL. Cette manœuvre de trafic d’influence confirme l’effet néfaste de ce complexe politico-OPT sur l’ouverture à la concurrence. Maintenant que M. DROLLET est dans l’opposition, il a fait voter la « loi anti-DIGICEL». Ce même Jacqui DROLLET, en tant que représentant actuel à l’Assemblée de P.F. est maintenant membre du Conseil d’Administration de l’OPT, notre concurrent indirect !
- Le Gouvernement qui fait du business avec TIKIPHONE, donne le pouvoir au Président du gouvernement de nommer et de « débarquer » le Président du Conseil d’Administration de l’OPT. Ce dernier avec le ministre de l’économie numérique (également vice-président du C.A. de l’OPT) officialise la stratégie du groupe OPT, pour faire face entre autres à la concurrence dans la téléphonie mobile.
- Imaginez d’un côté, le ministre de l’économie numérique qui tient un discours de neutralité et d’ouverture à la concurrence face à MARA TELECOM, PMT, VITI et DIGICEL, et d’un autre côté ce même ministre qui est censé participer « avec désintérêt » à la mise en place de la stratégie du groupe OPT pour contrecarrer la concurrence. Le ministre nie être le directeur commercial de TIKIPHONE pour se justifier (Sic !). Le pouvoir politique a tellement l’habitude de baigner dans le mélange des genres que, selon Aram J. KEVORKIAN cela nous fait rappeler Alain JUPPÉ quand il disait “ Quand je suis à Matignon, je ne pense qu’à l’intérêt national, et quand je suis dans ma mairie de Bordeaux, je ne pense qu’à ma ville. On voit bien l’influence de Descartes qui disait : “ Les choses que nous concevons fort clairement et fort distinctement sont toutes vraies. ” Notre ministre quant à lui est aussi un fervent de la vérité subjective ; il trouve tout naturel de ne consulter que son propre esprit pour savoir qu’il n’y a pas de « conflit d’intérêt ». Mais pour le débat public, qu’il ait au moins la décence de laisser les acteurs de la concurrence hors du giron OPT, de juger par eux-mêmes.
- Lors des négociations des tarifs d’interconnexion entre DIGICEL et l’OPT (qui veut être « l’Opérateur des opérateurs), ainsi qu’entre DIGICEL et TIKIPHONE, chaque partie était tenue au secret professionnel. DIGICEL devait donc croire qu’aucune information confidentielle de nos négociations n’était transmise entre l’OPT et sa filiale TIKIPHONE car selon nos interlocuteurs, une séparation hermétique existerait entre ces deux entreprises différentes (Sic !). En cas de blocage, DIGICEL pouvait demander soit au SPT soit au ministre d’intervenir. En fait, le champ d’action en cas de contestation de notre part reste bien confiné au sein du complexe politico-OPT.
- C’est devenu une tradition pour que le ministre en charge du numérique annonce à grandes pompes au public la baisse des tarifs et les nouveaux produits de l’OPT et de ses filiales (TIKIPHONE, MANA) ; voir la dernière présentation du plan de développement de l’économie numérique de Polynésie française – 28 janvier 2011 qui fait état :
- De poursuivre le développement des infrastructures du PAYS : Densifier le réseau 3G (entendre dire par là celui de TIKIPHONE).
- De lancer les offres « dual play » et « triple play » Internet + téléphonie + vidéo (entendre dire par là les nouveaux services réunis de l’OPT, TIKIPHONE, MANA et TNS). L’arrivée de la MANA BOX illustre parfaitement cet amalgame entre le service public (téléphone fixe) et les produits de nature strictement commerciale (TV à péage et internet) : quelle collusion entrepreneuriale ! Le concurrent VITI aura un véritable défi pour concurrencer la MANA BOX.
Que le pouvoir politique se targue du développement numérique, quoi de plus normal. Mais ce sera toujours vu avec une connotation « politique » tant que le PAYS restera propriétaire de TIKIPHONE et de MANA.
- Le SPT censé être le gendarme des télécoms au même titre que l‘ARCEP en France ou la FCC aux USA, exécute les décisions du gouvernement qui adopte les propositions du ministre de l’économie numérique. Ce même service reste sous la tutelle du ministre de l’économie numérique qui, lui-même, est vice-président du C.A. de l’OPT. Ce dernier a proposé comme parade un changement de tutelle : que le ministre de l’économie chapote le SPT. Cette manœuvre de « bonnet blanc et blanc bonnet » n’enlève en rien le conflit d’intérêt : le PAYS reste juge et partie dans la concurrence de la téléphonie mobile, avec ses sociétés TIKIPHONE et MANA.
- Lors des Etats Généraux du numérique, le ministère de l’économie numérique est allé à l’extérieur pour faire appel à l’assistance technique de l’ARCEP pour la refonte du Code des P&T avec la participation de huit opérateurs dont nous vous laissons juger les rapports de force durant les discussions :
- Les quatre opérateurs sous le contrôle absolu de l’OPT qui est visé directement par cette ouverture à la concurrence :
- L’OPT qui ambitionne d’être « l’opérateur au-dessus des autres opérateurs » ; c’est dire ô combien, la main mise de l’OPT reste de rigueur ;
- Tahiti Nui Telecom appartenant à 66% à l’OPT ;
- TIKIPHONE appartenant à 100% à l’OPT ;
- Mana appartenant à 100% à l’OPT.
- Les quatre autres vrais opérateurs privés qui demandent plus d’ouverture à la concurrence face à l’OPT :
- Mara télécom qui a d’énormes difficultés financières depuis son lancement en mai 2008.
- Pacific Mobile Telecom (PMT) qui a rendu ses fréquences (AUF) le 18 mars 2010 ; le 12 juillet 2010 le Code des P&T a été modifié permettant ainsi à PMT de présenter à nouveau une demande de Licence qui a été acceptée le 23 novembre 2010.
- VITI qui a annoncé ses « beta » testeurs en février 2010 lorsqu’il a obtenu sa licence de FAI, tarde à démarrer.
- DIGICEL qui a été « abattu en plein vol » par le vote de la loi anti-DIGICEL.
- Les quatre opérateurs sous le contrôle absolu de l’OPT qui est visé directement par cette ouverture à la concurrence :
Les dés sont-ils pipés d’avance puisque de toute manière, seul le complexe « politico-OPT » décidera en final du contenu de ce nouveau code. Que dit l’ARCEP (cet intervenant de l’extérieur sollicité par le ministre) sur le prix de notre licence fixé à 30 fois celui qu’elle a fixé pour FREE en France ? Voir plus bas le détail de cette arnaque légalisée.
On peut être très sceptique sur la survie des concurrents de l’OPT. Au final, comme pour le Code des P&T actuel, ce sera probablement un Code des P&T rénové avec pour seuls acteurs restants, encore l’OPT et ses filiales ! Le résultat sera au moins à la hauteur souhaitée par le complexe politico-OPT.
- Le Code des P&T qui fixe les règles de la concurrence, n’a cessé d’être modifié par le complexe politico-OPT. A l’heure actuelle, hormis le complexe politico-OPT, personne ne connaît le contenu du nouveau code des P&T, alors que le ministre déclarait dans son dernier communiqué du 8 février 2011 « … Par ailleurs, le groupe OPT se prépare également à l’ouverture à la concurrence, augurant d’une compétition saine au bénéfice des Polynésiens, dès lors que le nouveau Codes des communications numériques sera adopté par l’assemblée ». Comment DIGICEL pouvait-il risquer investir plus de 8 milliards XPF alors que la sécurité juridique fixant les règles du jeu n’était pas assurée ; DIGICEL ne pouvait donc pas s’avancer dans un tel projet.
- Le groupe OPT-TIKIPHONE avec le retard de l’entrée effective de la concurrence, profite tout d’un coup d’ouvrir de nouveaux magasins et de faire signer des contrats d’abonnement de 18 mois à ses abonnés qui ne pourront donc plus changer d’opérateur quand un concurrent démarrera son exploitation. Le tempo est donc bien orchestré au sein du complexe politico-OPT. Depuis l’ouverture à la concurrence en 2003, le Code des P&T est notoirement connu pour être inadapté, le ministre lui-même le dit ; ce qui explique la refonte en cours du Code des P&T qui nous a obligés, en plus de la loi anti-DIGICEL de DROLLET, à mettre en stand by notre projet. Le groupe OPT-TIKIPHONE prend donc effectivement tout son temps pour se préparer à l’ouverture à la concurrence. DIGICEL qui devait ouvrir au dernier trimestre 2010, a dû suspendre subitement son projet, suite à la loi anti-DIGICEL de DROLLET votée le 5 octobre 2010.
- Aucun opérateur à part l’OPT ne peut fournir des appels à l’international : ce service relève exclusivement du monopole de l’OPT. DIGICEL ne pouvait donc pas envisager d’offrir ses tarifs internationaux bas à ses futurs abonnés.
- DIGICEL n’a pas eu l’assurance du gouvernement d’avoir suffisamment de numéros pour ses futurs abonnés, au motif que son entreprise OPT n’était pas prête techniquement pour passer la numérotation de 6 chiffres actuellement à 7 voir 8 chiffres. Par exemple pour rester avec des numéros à 6 chiffres, le SPT nous a proposé la plage de numérotation commençant par 0. Donc on devait se contenter des numéros disponibles tels : n° 00.00.00, n° 00.00.01, n° 00.00.02 ainsi de suite. Quelle farce, lorsqu’on sait que cela peut porter à confusion en composant 00 en premier pour l’accès à l’international.
- Le PAYS a laissé l’OPT être propriétaire du câble HONOTUA ; c’est son choix stratégique pour renforcer la mainmise de l’OPT sur le secteur des télécoms. DIGICEL était donc confronté au monopole de l’OPT concernant l’accès à HONOTUA pour offrir la 4G (LTE) sur son réseau de téléphonie mobile.
- VITI qui va devoir payer sa licence de Fournisseur d’Accès Internet (FAI) de 660 millions (3 fois 220 millions), a comme concurrent direct MANA qui n’a pas eu à la payer, puisque c’est l’OPT qui paye cette licence FAI à sa place. MANA qui est un simple mandataire, sert de paravent à l’OPT pour dissimuler au public son monopole. On prend donc l’argent d’une poche (MANA) pour remettre dans une autre poche (OPT) qui remet dans la vraie poche (PAYS) : un parfait exemple de vases communicants. Tout cela pour ensuite nous dire que ce sont des entités juridiques différentes ! Imaginez donc l’OPT qui est propriétaire de HONOTUA et qui se négocie à lui-même l’accès à HONOTUA pour être un FAI ; ensuite MANA est mandaté pour la commercialisation. Quel délire pour une ouverture à la concurrence ! Le PAYS a donc ouvert à la concurrence tout en verrouillant le monopole de l’OPT à tous les niveaux :
- monopole de toutes les communications internationales ;
- monopole du câble HONOTUA ;
- monopole de fait dans la téléphonie mobile ;
- monopole de fait dans l’accès internet ;
- monopole du système de numérotation ;
- le Service des Postes et Télécommunications (SPT) sous le contrôle du PAYS qui participe également à la concurrence au travers de ses entreprises TIKIPHONE et MANA.
En plus de ces obstacles précités, la refonte du Code des P&T bloque sur un point essentiel : le prix de la licence estimé à près de 30 fois plus cher que celui de la France par tête d’habitant par an (voir le tableau ci-dessous). En effet, au lieu de payer notre licence à 1,5 milliard XPF, c’est 51 millions XPF que l’on devrait payer pour être au même niveau que le prix fixé par l’ARCEP concernant la licence 3G de la société FREE, en France.
Mais voilà, on nous sort encore les mêmes arguments « bateau » pour justifier ce prix multiplié par 30 :
- La Polynésie française est aussi grande que l’Europe ; il faut donc comparer ce qui est comparable. Pourtant on ne compare pas en valeurs absolues mais en valeurs relatives.
- L’OPT nous a offert un niveau d’équipement comparable à la France ; cet effort coûteux doit être amorti.
- Le service public coûte très cher à la collectivité.
Si le prix de la licence ne doit pas être comparé avec celui de la France, comment le ministre justifie-t-il ce prix 30 fois plus cher ? Quel est le mécanisme de calcul derrière ce prix ? Pourtant on peut dire que les abonnés ont déjà chèrement payé le « service public » de l’OPT. En témoignent les milliards d’excédent de trésorerie (pour ne pas dire des profits) ces dernières décennies dans les comptes de l’OPT-TIKIPHONE. Ce « service-public » est-il si « juteux » pour que le PAYS continue d’encaisser des dividendes, comme l’a déclaré publiquement M. DROLLET dans les Nouvelles du 23 juillet 2010.
Ci-dessous les détails du cette arnaque légalisée estimée à près de 30 fois plus cher qu’en France :
- Pour être un opérateur de téléphonie mobile en Polynésie française, le PAYS a fixé un droit d’accès (prix de la licence) à 1,5 milliard Cfp (voir Délibération n° 2003-86 APF du 12/06/2003) pour 9 ans, payable 500 millions/an durant les trois premières années : l’acceptation de cette condition est un préalable fixé par les textes votés à l’Assemblée, autrement votre dossier de demande d’opérateur est retoqué. Mais ce droit d’accès est devenu contestable pour deux raisons principales :
- la jurisprudence FREE du Conseil d’Etat datée d’octobre 2010, qui justifie notre demande de réduire le prix de la licence pour ne pas augmenter artificiellement le coût des communications aux abonnés polynésiens ; voir plus bas la comparaison.
- le nouveau Code des P&T n’est toujours pas accepté par tous les opérateurs avant d’être voté par l’Assemblée de Polynésie française.
Certes, TIKIPHONE vient de payer d’avance sa licence de 1,5 milliard XPF mais en tenant compte tout de même de deux facteurs :
- TIKIPHONE n’a pas eu à payer de licence à sa création en 1994 ; cette licence a été mise en place que depuis 2003. Elle a donc pu accumuler une bonne trésorerie pendant plus de 9 ans. Donc pour que le traitement soit équitable, la puissance publique doit accorder un répit aux nouveaux entrants.
- TIKIPHONE bénéficie depuis 17 ans d’un monopole absolu en distinguant deux périodes différentes :
- 1994 à 2003 : monopole pendant plus de 9 ans sans licence à payer ;
- 2003 à aujourd’hui : monopole de fait pendant 8 ans.
- Si on se base sur la taille des populations (France : 65,5 millions ; Polynésie française : 260 000) pour comparer le prix d’une licence d’opérateur de téléphonie mobile par tête d’habitant et par an, on obtient un chiffre qui assomme les abonnés polynésiens.
- En France, le 4ième opérateur la société FREE va payer 28,639 milliards f cfp (240 millions d’euros x 119,33f cfp = 28,639 milliards cfp) pour sa licence 3G ; ce qui revient à 22 cfp par habitant/an fixé par l’ARCEP en France métropolitaine (28,6 milliards divisés par 20 ans et divisés par 65,5 millions d’habitants = 22 cfp ; voir le tableau ci-dessous). Selon la décision du Conseil d’Etat n° 332393 du 12 octobre 2010, le Gouvernement central s’est appuyé sur des comparaisons internationales de prix des licences 3G pour fixer à 22 cfp/habitant/an.
- Ici à cause du mélange des genres PAYS-OPT-TIKIPHONE, nos élus politiques ont voté pour nous faire payer (tous les 9 ans) 1,5 milliard cfp de licence pour chaque opérateur (voir les rapports de la Chambre Territoriale des Comptes sur l’irrationalité de ce montant exigible) ; soit 641 Cfp par habitant/an (1,5 milliard divisés par 9 ans et divisés par 260 000 habitants = 641f Cfp). D’où un prix multiplié par 30 fois celui fixé par l’ARCEP en France (641f divisé par 22f = près de 29,32 fois plus). La ficelle paraît donc un peu grosse pour servir de comparaison internationale. Doit-on conclure que cette barrière sert en fait à protéger indirectement le monopole OPT-TIKIPHONE ? Selon le tableau ci-dessous, c’est donc 51,157 millions XPF (1,5 milliard XPF divisé par le multiple 29,32) que nous devrions payer au lieu de 1,5 milliard XPF, pour être au même niveau que le prix fixé par l’ARCEP en France. Pourtant le ministre de l’économie numérique est allé à l’extérieur pour faire appel à l’assistance technique de l’ARCEP pour la refonte du Code des P&T. Que dit l’ARCEP face à cette arnaque légalisée ?
Année 2000 | Année 2010 | Année 2003-2011 | Post 2011 | |
France | France | Polynésie française | Polynésie française | |
Comparatif : Coût de la Licence 3G | Sociétés Bouygues, Orange, SFR, prix licence 3G fixé par l’ARCEP | Société FREE, prix licence 3G fixé par l’ARCEP et confirmé par le Conseil d’Etat | Prix licence 3G voté par l’Assemblée de Polynésie française | Nouvelle durée sollicitée pour la licence 3G lors des Etats généraux du numérique |
Coût fixe de la licence en euros | 619 000 000 euros | 240 000 000 euros | 12 570 184 euros | 12 570 184 euros |
Taux de change fixe pour 1 euro | 119,33 | 119,33 | 119,33 | 119,33 |
Coût fixe de la licence en XFP | 73 865 270 000 Cfp | 28 639 200 000 Cfp | 1 500 000 000 Cfp | 1 500 000 000 Cfp |
Durée de la licence | 20 ans | 20 ans | 9 ans | 20 ans |
Coût fixe XPF de la licence par an | 3 693 263 500 Cfp/an | 1 431 960 000 Cfp/an | 166 666 667 Cfp/an | 75 000 000 Cfp/an |
Population totale | 65 500 000 | 65 500 000 | 260 000 | 260 000 |
Coût XPF de la licence par tête d’habitant/an | 56 Cfp | 22 Cfp | 641 Cfp | 288 Cfp |
Ratio de coût par rapport à FREE | 2,58 | 1 | 29,32 | 13,19 |
Prix de la licence en P.F. pour être au même niveau que FREE | 51 157 044 Cfp |
- Selon la jurisprudence du Conseil d’Etat (décision n°332393 du 10 octobre 2010), le prix de la licence doit normalement baisser à cause de deux critères essentiels :
- la quantité moindre de fréquences utilisées ;
- l’entrée tardive des nouveaux opérateurs (le cas de FREE) qui se partagent une part de marché amoindrie par rapport aux trois premiers opérateurs : Orange, SFR et Bouygues.
Voici ce que disait le Conseil d’Etat en octobre 2010 à propos de la dernière licence accordée à la société Free en France :
….. « la détermination du montant de la redevance fixe due par le quatrième opérateur (FREE) à 240 millions d’euros n’était ni sous-évaluée ni discriminatoire par rapport au montant versé en 2001-2002 pour les trois opérateurs mobiles en place (619 millions d’euros), en raison notamment de la quantité de spectre plus faible dont il dispose et de son entrée sur le marché mobile avec un retard d’une dizaine d’années sur ses concurrents« .
Or ici, nous sommes dans un cas de figure quasi similaire. Le gouvernement avait accordé toute la bande GSM des 900 Mhz à TIKIPHONE quand ce dernier était le seul opérateur en Polynésie française depuis 1994 ; soit pendant au moins 9 ans. Mais depuis notre entrée en 2010 (soit 16 ans après 1994), le gouvernement avait partagé en 1/3 la bande GSM 900 à chacun des opérateurs : 1/3 pour TIKIPHONE, 1/3 pour PMT et 1/3 pour DIGICEL (MARA TELECOM étant sur d’autres bandes de fréquences).
Pourquoi alors le gouvernement maintient-il le même prix de la licence à 1,5 milliard XPF ; soit un prix multiplié par 30 fois le prix fixé par l’ARCEP pour la licence 3G de la société FREE (voir tableau ci-dessus). Ce sont encore les abonnés polynésiens qui paieront 30 fois plus au final car les opérateurs vont devoir surfacturer 30 fois plus pour récupérer ce coût injustifié.
Dans le tableau ci-dessus, nous avions rajouté une dernière colonne dans laquelle, pour la licence ici, nous avions modifié un seul paramètre : la durée de 9 ans rallongée à 20 ans ; ce qui donne une simulation avec un prix multiplié par 13 fois comparé à la France.
Malheureusement en tenant la dragée haute à 1,5 milliard XPF pour 9 ans, payable en début de période de lancement, le PAYS renforce le monopole OPT-TIKIPHONE. L’OPT d’ailleurs se targue d’hypocrisie en disant : « ce n’est pas de notre faute ; c’est le pouvoir politique qui en a décidé ainsi ». Mais on a bien vu que seul le groupe OPT ne s’était jamais manifesté pour demander la baisse du prix de la licence. Que les abonnés n’attendent donc rien de ce côté-là de la part du complexe politico-OPT. Un nouvel opérateur qui doit démarrer avec 0 abonné (sachant que TIKIPHONE fait signer des contrats d’abonnement de 18 mois pour empêcher de changer d’opérateur), doit dépenser 8 milliards d’investissements, et doit accuser les premières années des milliards de pertes d’exploitation avant d’avoir suffisamment d’abonnés pour pouvoir couvrir ses charges d’exploitation, aura besoin de beaucoup de trésorerie pour concurrencer TIKIPHONE qui n’a pas eu à payer de licence lorsqu’il a démarré ses activités en 1994.
En effet, ce prix de la licence n’a été introduit qu’en 2003 à l’ouverture du marché à la concurrence ; ce qui a donné un répit de 9 ans à TIKIPHONE pour se constituer un trésor de guerre. Le PAYS en étant « juge et partie » évite ces mêmes conditions de lancement pour les nouveaux opérateurs. Où est l’intérêt général poursuivi par ce complexe politico-OPT ? Assurer la rentabilité du service public de l’OPT-TIKIPHONE ou rendre attractif le coût d’entrée des concurrents pour impulser une dynamique de compétitivité à notre marché de la téléphonie mobile ? Le mélange des genres permet de rester en eaux troubles ! Voici ce que disait le Conseil d’Etat dans sa décision n°332393 du 12 octobre 2010 à propos de la licence attaquée de FREE :
« … que, dès lors, tant la circonstance que la différence de situation existant entre les opérateurs s’est accrue au détriment d’un nouvel entrant, que l’intérêt général qui s’attache à l’ouverture du marché à un quatrième opérateur pour permettre une amélioration de la situation concurrentielle sur le marché français de la téléphonie mobile, justifiaient que soient recherchées des solutions alternatives susceptibles de permettre à un nouvel opérateur d’entrer et de s’installer durablement sur ce marché, dès lors que celles-ci ne dépassaient pas ce qui était nécessaire pour tenir compte de cette différence de situation ;
Considérant que cette modification pouvait, sans méconnaître aucune disposition législative ou réglementaire, se traduire notamment par une diminution du montant de la redevance, par l’étalement de son paiement ou par la division en plusieurs lots de la bande de fréquences restant à attribuer, les autres conditions d’attribution de ce lot (notamment la durée de la licence de 20 ans) et la procédure suivie étant par ailleurs identiques à celles des trois premières autorisations ;
….. que le fait de diviser le bloc de 15 MHz en trois ne constitue pas en soi un avantage accordé au nouvel entrant, l’attribution d’un nombre de fréquences inférieur ayant pour effet de restreindre les capacités techniques et commerciales de ce dernier ; qu’il en résulte que le choix qui a été fait de diviser en plusieurs lots la bande restante de fréquences n’est entaché ni d’erreur de droit, ni d’erreur manifeste d’appréciation ….. ».
On constate les conséquences de ces barrières de protection :
- MARA télécom qui n’a jamais respecté le déploiement de son réseau comme stipulé dans son cahier de charges, n’arrive plus à payer sa licence de 1,5 milliard. Un recours au Tribunal administratif contre les autorisations de MARA TELECOM risque d’aboutir car le PAYS ne peut pas laisser perdurer cette situation.
- PMT a rendu en catimini son Autorisation d’Utilisation des Fréquences (AUF) à la dernière minute : est-ce pour éviter de payer le 1,5 milliard ?
- VITI qui a eu toutes ses autorisations tarde à démarrer son exploitation ;
- Quant à DIGICEL, le complexe politico-OPT l’a exécuté en cinq étapes, en enfonçant le clou avec la « loi anti-DIGICEL » de Jacqui DROLLET, alors que DIGICEL avait réussit à obtenir toutes les autorisations. Ci-dessous un rappel des faits :
- 1 avril 2009 : Après que DIGICEL ait démarré ses tractations en Janvier 2008 pour investir en Polynésie française, le Conseil des ministres sous l’impulsion d’un ministre qui est maintenant redevenu un employé de l’OPT, a refusé pour vice de forme, la demande d’Autorisation d’investir de l’investisseur étranger DIGICEL. La procédure depuis a été refaite.
- 1 juillet 2009 : Autorisation d’investissement étranger accordée à DIGICEL pour contrôler à 80% le capital social de sa société locale DIGICEL Tahiti ;
- 10 février 2010 : Licence d’opérateur donnée à DIGICEL ;
- 9 juillet 2010 : L’Autorisation d’Utilisation des Fréquences (AUF) est accordée à DIGICEL ;
- 5 octobre 2010 : La «loi DROLLET anti-DIGICEL» est votée à l’Assemblée de Polynésie française pour interdire DIGICEL à détenir plus de 35% dans le capital social de sa société DIGICEL Tahiti (comparé à la France qui autorise 100% de participation étrangère). Cette loi vient donc contredire l’autorisation d’investir du 1er juillet 2009, pourtant donnée par le gouvernement TEMARU avec comme ministre de l’économie numérique, un certain Jacqui DROLLET qui a cosigné l’arrêté. Elle place le Fenua parmi les PAYS les plus renfermés au monde après l’Ethiopie, selon le classement de la Banque mondiale. DIGICEL décide donc de licencier tous ses salariés pour mettre en « stand-by » le projet et d’intenter un recours en Conseil d’Etat. En effet, comment peut-on investir des milliards quand les lois sont modifiées au gré des humeurs politiques. Le principe fondamental de « la sécurité juridique » en droit (The Rule of Law), n’est plus respecté.
Même si cette «loi anti-DIGICEL» vient d’être annulée par le Conseil d’Etat (Tapez dans recherche Dossier n° 343991, 344199 du 2/2/2011), elle a de toute manière provoqué la « répulsion » suivante :
- au niveau des bailleurs de fonds qui avaient confiance en la réputation mondiale du propriétaire de DIGICEL. Interdire à ce dernier de contrôler à 80% son propre projet enlevait toute la crédibilité au projet de DIGICEL Tahiti.
- au niveau des promoteurs du projet qui voient en cette loi, un refus politique pour ouvrir la concurrence à des investisseurs étrangers, taxés de « requin blanc » et de « renard capitaliste » par le duo DROLLET-BARRAL. On sait bien que la concurrence de DIGICEL menaçait sérieusement tous les opérateurs locaux : OPT-TIKIPHONE, MARA TELECOM et PMT. Le principal actionnaire de DIGICEL Tahiti, étant considéré comme « persona non grata » ici, a donc décidé entre temps d’investir ailleurs, là où la sécurité juridique inspirait plus la confiance qu’en Polynésie française. Dans l’immédiat, les abonnés du téléphone mobile ne bénéficieront donc pas de la fameuse concurrence de DIGICEL. Le Fenua n’aura pas non plus l’investissement des 8 milliards XPF avec la création de 110 emplois directs et de 500 emplois indirects. Le groupe OPT-TIKIPHONE a donc profité de ce retard stratégique pour renforcer son monopole en faisant signer des contrats d’abonnement sur 18 mois, pour essayer de tuer la concurrence dans l’œuf !
Notre recours en Conseil d’Etat contre la loi DROLLET, portait sur les raisons principales suivantes :
- Elle a introduit une discrimination illégale entre les opérateurs ; cette situation est inacceptable dans le cadre de l’Union Européenne.
- La différence de traitement basée sur le critère de la nationalité est contraire au principe d’égalité.
- Elle porte une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l’industrie.
- Elle a été taillée sur mesure contre le projet de DIGICEL pour protéger l’OPT de l’arrivée de la concurrence malgré l’ouverture prononcée en 2003 : c’est donc un détournement de pouvoir.
Le Conseil d’Etat vient de nous donner raison en ne retenant que le premier point (parmi tant d’autres illégalités) : la loi DROLLET introduisait une discrimination entre opérateurs basée sur la nationalité ; ce qui est contraire aux engagements internationaux en l’espèce au droit de l’Union européenne (voir article 45 de la décision n° 2001/822/CE du 27 novembre 2001).
Si nous avons gagné effectivement ce recours, on peut raisonnablement s’interroger quelle sera la prochaine « peau de banane » du complexe politico-OPT pour essayer encore de nous déstabiliser. Pourtant ailleurs dans d’autres marchés, les médias applaudissent la concurrence apportée par DIGICEL qui a obtenu le Prix du meilleur opérateur dans les PAYS en voie de développement.
MA CONCLUSION A FIN 2011 :
Malheureusement, on voit bien que « la concurrence version OPT » est encore bien verrouillée par le complexe politico-OPT. Le plan quinquennal du numérique présenté le 28 janvier 2011 par le ministère de l’économie numérique a certes une ambition, mais ce sera toujours sous la position dominante de l’OPT qui reste le passage obligé ; ainsi en a décidé le pouvoir politique. Cette ambition d’ouverture à la concurrence restera une façade tant que le pouvoir politique ne s’attaquera pas au problème de fond résumé comme suit :
- Pourquoi le PAYS continue-t-il à faire du business dans la téléphonie mobile et dans la fourniture l’accès internet? Quelle est la frontière entre le service public et les besoins de rentabilité de l’OPT et de ses filiales?
- Pourquoi entretenir ce mélange des genres au détriment de la vraie concurrence ? La puissance publique ne peut pas continuer à être à la fois :
- législateur : voter la loi DROLLET pour écarter le concurrent DIGICEL ;
- régulateur : fixer les règles du jeu avec le SPT sous la tutelle du ministère de l’économie numérique ;
- acteur économique : participer à la concurrence au travers des filiales de l’OPT (TIKIPHONE, MANA).
Ce cadre constitue une épée de Damoclès permanente pour un opérateur privé ! Une réforme structurelle s’impose.
- Si le Conseil d’Etat a confirmé récemment la baisse (divisé par 2.58) du prix de la licence 3G de la société FREE par rapport aux trois autres opérateurs existants, pourquoi le PAYS maintient le nôtre à près de 30 fois celui de la France ? Voilà un autre délire de notre ouverture à la concurrence. Faut-il encore attaquer au tribunal pour forcer le politique à rendre l’ouverture à la concurrence plus attractive pour les consommateurs polynésiens ?
- Où est l’intérêt général pour le gouvernement ? Rentabiliser l’OPT (en arnaquant 30 fois plus cher qu’en France) pour sauver les emplois protégés de l’OPT ou comme le Conseil d’Etat le dit, promouvoir l’ouverture à la concurrence en rendant attractive l’entrée aux nouveaux acteurs ? Si le ministre est épris d’intérêt général qu’il propose une loi du PAYS pour faire baisser le prix de la licence à 51 millions XPF.
- A l’initiative du ministre de l’économie numérique, le PAYS va faire voter une nouvelle loi du PAYS « anti-concentration » qui interdit toute entreprise à détenir plus de 50% de part dans la production totale de l’énergie renouvelable, ceci afin d’éviter une situation d’abus de position dominante (voir l’arrêté n°1898/CM du 2 octobre 2010). Pourquoi le PAYS ne fait-il pas pareille pour faire cesser « l’abus de position dominante » de son entreprise OPT, alors que le ministre a écrit dans son document TE ARA HOTU page 72 « l’abus de position dominante est proscrit » :
- l’OPT doit se concentrer sur le vrai service public qui est par nature déficitaire et non pas faire du business au passage.
- Les filiales de l’OPT, TIKIPHONE, MANA et TNS doivent être vendues à l’actionnariat populaire pour être de vraies entreprises privées et non pas être sous le contrôle indirect du PAYS.
Quand on voit le pouvoir politique se sentir concerné si l’avenir de son soldat OPT-TIKIPHONE est en péril, c’est un mauvais présage pour celui qui souhaite risquer 8 milliards XPF d’investissement. On comprend bien, TIKIPHONE est « la poule aux œufs d’or » du gouvernement qu’il faut éviter de toucher. Les affaires politico-judiciaires en sont une parfaite illustration. Tant que cette relation incestueuse perdurera entre le pouvoir politique et l’OPT, le monopole de l’OPT et de ses filiales a encore de beaux jours devant lui. Le nouveau code des P&T en chantier risque de servir qu’aux seuls opérateurs historiques restants : l’OPT et ses filiales. Triste constat pour les abonnés du téléphone en quête d’une véritable ouverture à la concurrence, malheureusement « bridée » par une arnaque légalisée : le prix de la licence fixé à 30 fois celui de la France. Pourtant la vague mondiale de la dérèglementation qui a permis l’ouverture à la concurrence dans le secteur des télécoms, a démarré vers 1982 au Royaume-Uni et vers 1984 aux États-Unis (voilà plus de 29 ans déjà) ; s’en est suivie le plus souvent, une privatisation de l’opérateur historique appartenant aux pouvoirs publics. Ici, c’est l’OPT qui résiste et qui se renforce grâce au complexe politico-OPT.
Doit-on se résigner à conclure que le choix unique de l’OPT est justifié ? Cela me fait rappeler le cas de la Trabant qui était le seul modèle de voiture existant en Allemagne de l’Est avant la chute du mur de Berlin. Lorsqu’on est seul au starting-block, on est forcément le premier à l’arrivée ; et on pourrait dire aussi, le dernier !
N’oublions jamais ceci : le gouvernement fait du business au travers de l’OPT et de ses filiales, en brandissant sa mission de service public. Le monopole OPT-TIKIPHONE peut maintenant se contenter d’une concurrence « version allégée » entre opérateurs locaux qui ne représentent pas une menace sérieuse pour l’OPT. Donc ouf, le soldat TIKIPHONE a été sauvé du prédateur DIGICEL. Les gars de l’OPT-TIKIPHONE peuvent sabrer le champagne, en espérant qu’un autre concurrent dangereux ne pointe pas son nez d’ici là.
En dernier, je veux saluer tous ceux, y compris certains politiciens, qui m’ont soutenu durant ces années de procédures. Après avoir licencié plus d’une centaine de salariés dans mes entreprises de perliculture, je constate maintenant le licenciement de tout nos salariés de DIGICEL : quel gâchis social ! Rappelons que nous avons reçu près de 3000 demandes d’emplois avec CV au moment des embauches en 2010.
J’essayer de croire encore en ce PAYS, malgré le pessimisme de mon partenaire étranger ! A l’instar du soulèvement social dans le monde arabe actuellement, c’est vrai qu’il y a Facebook pour relayer le mécontentement général des abonnés. Curieusement, on voit que notre ministre du numérique limogé utilise le réseau social Facebook pour que la population vienne dire : ça suffit pour l’instabilité politique ! Je suis tenté de lui dire qu’il étende aussi son appel à demander : ça suffit ce mélange des genres entre le politique et l’OPT.
Mais entre temps, je n’ai pas vraiment le choix que d’essayer de lancer d’autres projets, même si c’est pour entendre dire : ce sont encore les mêmes familles qui investissent !
En économie, il y a des consommateurs d’emplois comme il y a des créateurs d’emplois ; il y a ceux qui le font avec leur propre argent et ceux qui le font avec l’argent des autres. Chacun y trouve son compte.