En tant qu’alumni de la London School of Hygiene & Tropical Medicine, je reste dubitatif sur la stratégie de lutte antivectorielle (LAV) retenue par la Polynésie française, en pleines périodes épidémiques de Zika, de chikungunya et de dengue. Malheureusement, selon la chronologie en bas de la carte ci-dessous de l’Organisation Mondiale de la Santé (WHO) datée du 22 juin 2016, la Polynésie française est maintenant « fichée » pour avoir été en 2013 le foyer initial de la pandémie du Zika. Quelle triste référence mondiale pour notre industrie touristique !

Voir aussi le livre « ZIKA, The emerging epidemic » de Donald G. McNeil Jr aux pages 8-9.

Oxitec avait proposé en vain depuis 2013 une solution plus ciblée, en remplacement des pulvérisations ici d’insecticides tels le Malathion, reconnu « cancérogène probable » par l’OMS, et le Deltaméthrine (un pyréthrinoïde) qui serait nocif pour le cerveau des enfants, selon des chercheurs de l’Université et du CHU de Rennes.
De plus, ces insecticides qui renforcent les mécanismes de résistance du moustique (gène GSTe2 ; voir également cet autre article), sans aucune efficacité à long terme pour sa suppression, déciment au passage les insectes pollinisateurs (dont principalement les abeilles et les bourdons, et dans une moindre mesure, les guêpes, les fourmis, les papillons et les mouches) qui contribuent à la reproduction par la pollinisation :
- de 90 % des plantes sauvages à fleurs du monde ;
- de 75 % des cultures vivrières ;
- de 35 % des terres agricoles à l’échelle de la planète ; soit 35 % de ce que nous mangeons dépend de la pollinisation par les insectes.
Dans cette Lutte Anti-vectorielle (LAV), ne faut-il pas évaluer le meilleur moyen disponible dans le strict cadre de la Santé publique, afin d’éviter les milliards de Fcfp en coûts récurrents avec l’Espérance de Vie Corrigée de l’Incapacité (EYCI), (1 milliard pour le Zika +le chikungunya + la dengue), la souffrance des personnes infectées ( syndrome de Guillain-Barré, microcéphalie) et les morts qui, d’ailleurs, continuent avec la dengue endémique.

Le procédé d’Oxitec, au point depuis 15 ans dans les laboratoires de l’Université d’Oxford (l’une des plus prestigieuses universités sur le plan mondial), correspond à l’objectif pressant de combattre le moustique Aedes aegypti, principal vecteur de ces épidémies.
Or, la Polynésie a préféré orienter ses recherches depuis plus de 10 ans sur le moustique Aedes polynesiensis, principal vecteur de la filariose.
Pour éviter de s’égarer dans un débat d’indigence d’opinions à l’encontre du secteur privé, la presse relate une étude épidémiologique de juillet 2016 effectuée au Brésil qui montre une BAISSE de 91 % de cas de dengue suite aux lâchers des moustique d’Oxitec. Cette étude a été conduite par la « Piracicaba’s Epidemiologic Surveillance service » et « the city’s Secretary of Health, Pedro Mello« .
Concernant le coût du procédé Wolbachia de l’ILM (Institut Louis-Malardé), on a pu lire 735 millions de Fcfp dans La Dépêche de Tahiti du 13 novembre 2014 et 500 millions de Fcfp sur Polynésie 1ière du 23 mars 2016 rien que pour l’investissement, coût de production exclu. Oxitec peut traiter TOUT Tahiti pour moins cher.
Écarter Oxitec parce que c’est de l’Organisme Génétiquement Modifié (OGM) relève d’une décision « spécieuse » car ce débat « OGM contre organique » n’est plus pertinent pour relever le défi mondial de nourrir une population qui dépasse maintenant les 7,8 milliards. L’article « OGM : 100 Prix Nobel contre la campagne de Greenpeace » réaffirme l’importance des OGM : « Opposition based on emotion and dogma contradicted by data must be stopped. » Voici la version française de cet appel mondial à la raison par les 158 Prix Nobel. C’est un fait : les OGM sont partout dans notre vie quotidienne !

Que les anti-OGM de tout poil, soutenus par certains scientifiques cessent leur combat hypocrite. En effet, rappelons que l’insuline, par exemple du Lantus (première marque d’insuline au monde ou « blockbuster » du laboratoire français SANOFI détenu à 77% par les institutionnels et ayant dégagé un bénéfice net de 7,4 milliards d’euros en 2013) est issue d’une technique d’OGM appelée ADN (acide désoxyribonucléique) recombinant ou recombiné qui « est une molécule créée en laboratoire composée de séquences nucléotidiques provenant de plusieurs sources créant ainsi des séquences qui n’existent pas dans les organismes vivants« .


L’autre protéine thérapeutique, l’érythropoïétine (EPO) pour détoxifier le sang de nos dialysés, est également de l’ADN recombinant.
On devrait donc arrêter ce combat hypocrite contre les OGM, car les diabétiques et les dialysés dépendent des OGM pour se maintenir en vie :
- les 415 millions de diabétiques dans le monde qui doivent « s’injecter » tous les jours de l’insuline;
- les 600 millions souffrant d’une affection rénale dans le monde qui doivent se faire dialyser pour détoxifier leur sang à l’aide d’EPO.
En conclusion, les victimes des épidémies devront se contenter du fait que nos responsables ont adopté bon gré mal gré l’approche « Wait and see« . Dans leur « principe de précaution« , ils ont jugé que leurs pulvérisations de Malathion (provoquant le cancer) et du Déltamethrine (nocif au cerveau humain), posaient moins de risques sanitaires que les stratégies innovantes d’Oxitec et du Wolbachia.

Postface au 07/09/2022 :
Dans un article du 7 septembre 2022 : « Les lâchers de moustiques modifiés pour lutter contre la dengue, le chikungunya ou la fièvre jaune« , est mentionné le procédé d’Oxitec (technique RIDL : release of insects carrying a dominant lethal gene, ou lâcher d’insectes porteurs d’un gène de létalité dominant) qui serait, à ce jour, LE SEUL développé à un niveau opérationnel : les moustiques mâles qui, contrairement aux femelles, ne piquent pas, sont génétiquement modifiés. Leur descendance meurt avant d’atteindre l’âge adulte. Cette technique a reçu en mars 2022 l’autorisation de l’Agence américaine de protection de l’environnement pour démarrer un essai en Floride consistant à disséminer des œufs de moustiques Aedes aegypti génétiquement modifiés dans la nature pendant trois mois.