Quel intérêt pour vous de se positionner sur un marché déficitaire ?
Nous ne sommes pas là pour prendre le marché de l’OPT, puisqu’on est dans le cadre d’un service public. C’est d’ailleurs l’argument majeur de l’OPT qui ne cesse de dire que ça coûte cher, et que c’est la raison pour laquelle on a du mal à desservir ces îles. Cet argument ne tient pas quand on parle de service public. Le produit O3b correspond exactement aux besoins requis. On vient proposer une couverture qui, je l’espère, sera beaucoup moins chère que celle actuellement de l’OPT, via Polysat et Intelsat. Nous nous positionnons en tant que fournisseur d’accès satellitaire.
Vous espérez être moins cher. Est-ce à dire que vous n’avez pas les moyens de comparaison ?
Tout à fait. L’OPT détient toutes les cartes et sait exactement quelles sont toutes les contraintes géographiques et économiques. Nous proposons une solution technologique et économique unique, en connaissance de cause parce que 03b est déjà bien implanté dans la région Pacifique. Nous pensons être plus compétitifs que l ‘OPT, mais, pour comparer, il faudrait avoir la transparence des coûts. Au niveau mondial nous sommes compétitifs au niveau des coûts, reste à le vérifier au niveau local, et ici on fonctionne à l’envers parfois.

Le prix du marché mondial a fortement diminué ces dernières années en raison des avancées technologiques et de la concurrence. Pourquoi l’OPT n’en a-t-elle pas profité ?
Sans les éléments comptables de l’OPT, difficile de répondre. Je peux simplement dire que 03b a participé à la baisse des coûts. Ensuite, il faut voir le coût des installations terrestres (CAPEX), qui ont aussi beaucoup chuté. Je reste convaincu qu’en se basant sur les installations déjà existantes, et les coûts de transmission, O3b sera moins cher que ce que proposent Polysat et intelsat. Des milliards ont déjà été investis pour desservir les îles et force est de constater que ça ne fonctionne pas.
Vu la situation de l’OPT, les télécommunications ne sont-elles pas ses derniers moyens de couvrir ses frais de fonctionnement ?
Comme je l’ai déjà dit, fournir les îles n’est pas rentable en raison de l’étroitesse du marché et ce marché restera étroit tant que le service ne développera pas ; le serpent se mord la queue. Si on fournit un accès satellitaire moins cher et plus performant, la demande devrait augmenter. Cela pourrait encourager les gens à retourner dans les îles. Le déficit du marché des îles est un levier pour l’OPT pour s’adresser aux politiques et leur dire que ça coûte cher, que ce n’est pas rentable et qu’elle a besoin d’un soutien financier et la garantie du monopole dans certains domaines comme l’accès satellitaire au niveau international.
Êtes-vous confiant quant à la suite qui pourra être donnée à votre demande ?
Oui, je suis confiant, de même que 03b. Même si je savais qu’on rencontrerait des problèmes politiques comme dans d’autres pays de la région. Mais 03b a toujours trouvé une solution. Les satellites qui couvrent la région Pacifique passent au-dessus de la Polynésie française; c’est pourquoi il sera très facile de fournir de l’accès satellitaire. D’un point de vue technique, il n’y aura pas de problème. D’un point de vue économique, l’OPT et O3b devront trouver un arrangement.
P.S. : Ce projet O3b pour les îles n’a finalement pas abouti puisque l’OPT-Pays a préféré privilégier la solution du câble NATITUA qui aurait coûté plus de 7 milliards xpf (voir ci-dessous le schéma).
A titre d’information, l’offre d’accès satellitaire d’O3b de 2016 : 2 faisceaux chacun de 700 km de diamètre pouvant couvrir une trentaines d’île pour une location estimée à l’époque de 200 millions xpf/ans; soit un amortissement sur 35 ans pour cumuler les 7 milliards xpf de NATITUA.
De plus, grâce à une concurrence mondiale féroce dans le secteur des High Throughput Satellites (HTS), le coût de la transmission satellitaire (cost-per-bit) ne cesse de baisser pour une performance multipliée par 100 : constat fait dans le ViaSatellite de juin 2020. Selon Brent Prokosh (senior affiliate consultant at Euroconsult) : “Given our analysis and benchmarks of CAPEX efficiency of HTS systems, we can certainly see pricing levels trending towards and below $100 per megabits per second per month over the coming decade, and this is even for smaller volumes and shorter contracts.”
Gagan Agrawal, senior analyst at Northern Sky Research (NSR) en rajoute : « This pricing used to be more than $100 per megabits per second, per month. With cruise and backhaul bandwidth prices falling in the past two to three years, the numbers seem to go down consistently, with exceptions, for GEO HTS, sub $200 per megabits per second, per month pricing will be a reality by 2025 across various applications.”
Donc pour nos îles non reliées au câble domestique, il y a maintenant des offres démarrant à $200/Mbs/mois pour baisser jusqu’à $50/Mbs/mois pour de la bande Ka via HTS ; soit un prix divisé jusqu’à 20 par rapport aux $1 400/Mbs que payait l’OPT. Ce qui réduit considérablement l’offre estimée à 200 millions xpf/an en 2016.
Rappelons que la bande Ka (fréquences plus élevées) est plus adaptée pour l’internet que la bande Ku qui est plutôt destinée pour la transmission du signal vidéo comme la TV. Les faisceaux générés en bande Ka sont beaucoup plus directifs que dans des bandes de fréquence inférieure : l’énergie est mieux concentrée et le spectre peut être réutilisé (sur une zone séparée géographiquement) de façon intensive. D’autre part, on dispose de plus de fréquences en bande Ka qu’en bande Ku. Ainsi, la bande Ka permet de multiplier la capacité offerte, et donc de proposer des services à des prix inférieurs à ceux de la bande Ku. Grâce à ces deux avantages, la bande Ka a été proposée pour les satellites à haut débit, offrant des services d’Internet par satellite à des prix comparables à ceux de l’ADSL, et à destination des zones de territoire mal desservies par les infrastructures terrestres (zones blanches ou grises) ».
Voici ce que dit M. Ruszkowski de SES qui a racheté O3b : “When we look at the level of flexibility, reach and coverage that is inherently possible with satellite, which is far greater than fiber, it becomes obvious that satellite is destined to play a fundamental role in accelerating the rollout of 5G around the world”.
Je reste convaincu que l’option haut-débit via une combinaison câble sous-marin & satellite pour le développement de la 5G reste la solution à long terme pour nos îles non-reliées à NATITUA. L’intervention du service public, pour atténuer le surcoût lors de son développement, est parfaitement justifiée.