Il est impossible de proposer directement aux îles non-reliées à HONOTUA, une solution d’internet HAUT-DEBIT par un accès satellitaire aux télécommunications extérieures, à cause du monopole de l’OPT.
En effet, le Pays a confié à son établissement public l’OPT, le « monopole des télécommunications extérieures » selon le Code des P&T page 48/143 : « Article D.213-7 L’opérateur public (l’OPT) assure l’exécution du service public des télécommunications extérieures de la Polynésie française. Il est autorisé́ à confier l’exécution de tout ou partie de ce service public à des tiers. Un cahier des charges approuvé par arrêté pris en conseil des ministres détermine les conditions d’exécution de ce service public ».
Plus précisément, il est question ici d’accès satellitaire pour desservir nos îles éloignées. Compte tenu de l’éloignement et de l’éparpillement de nos îles, le recours aux satellites s’est imposé tout naturellement comme le confirme M. Terry BLEAKLEY, Vice-président régional Asie-Pacific à Intelsat, à moins de tirer à terme un câble vers chaque île en Polynésie française.
A cet égard, il y a deux gros concurrents opérateurs de satellites de télécommunications qui se disputent le marché mondial :
- L’américain Intelsat Ltd n°1 mondial avec 25,7% de part de marché et qui est le fournisseur historique privilégié de l’OPT.
- L’européen SES S.A. n°2 mondial avec 22% de part de marché et qui a racheté depuis la société O3b.
A titre d’information, l’OPT a déjà des relations commerciales privilégiées en étant actionnaire d’Intelsat, le concurrent direct d’O3b. Plus précisément, l’OPT a déjà payé Intelsat en milliards xpf pour des capacités satellitaires sur plusieurs années (voir Le constat dans les îles).
En conséquence, les îles non-reliées à HONOTUA sont obligées de se contenter de la situation … actuelle.
LE SERVICE PUBLIC DEFICITAIRE POUR LES ILES ELOIGNEES
Par ailleurs, on lit souvent que ce service public des télécommunications pour les îles éloignées est déficitaire, pour les raisons principales suivantes :
- Les coûts conséquents susmentionnés pour acheter des capacités satellitaires.
- La petitesse du marché :
- 3 000 abonnés pour l’internet fixe concernés directement par ce projet O3b ; la mauvaise qualité de service de l’OPT n’a pas arrangé les choses pour accroître ce marché (16% de pénétration en 2013 source : DGEN) pourtant stratégique à la politique de retour des populations dans leurs îles
- 25 000 abonnés pour la téléphonie mobile pouvant inclure la 3G pour l’internet mobile ; à ce sujet, la technologie d’O3b supporte déjà la 4G ou LTE.
- 5 000 abonnés pour la téléphonie fixe
- Les 61 îles très éparpillées géographiquement avec une population de 32 912 habitants au recensement ISPF 2012 ; soit 12% de la population totale, pour les îles non-reliées à HONOTUA (voir le Tableau Excel ci-dessous) :
- 9 261 aux Marquises
- 6 820 aux Australes et
- 16 831 aux Tuamotu-Gambier

- Le seul recours aux satellites (jugés traditionnellement plus chers que le câble) pour couvrir ces îles. A ce sujet, vu l’intense concurrence mondiale, les coûts d’accès satellitaire ont beaucoup baissé pour être aussi compétitifs que le câble, grâce à la concurrence mondiale d’O3b !
Cette situation déficitaire pour les îles éloignées est réitérée par La Chambre Territoriale des Comptes pour la gestion des comptes de l’OPT 2008-2014 page 12/28 (séance du 25 février 2015) dans les termes suivants :
« … Mais leur coût conséquent (l’accès satellitaire), conjugué à la faiblesse du nombre de clients potentiels dans ces îles, entrave l’achat de capacités importantes par les opérateurs et entraîne de ce fait une saturation rapide de ces capacités. En dépit des obligations prévues aux cahiers des charges des opérateurs et notamment d’un calendrier contraignant en matière de déploiement de l’internet et de la téléphonie mobile, les opérateurs alternatifs n’ont pas encore entamé leur déploiement dans les îles autres que les îles du Vent, ou y ont mis un frein rapidement, pour des raisons de rentabilité… ».
LA SOLUTION DU SYSTEME DE PEREQUATION
Ne critiquons donc pas de suite ce monopole de l’OPT car les concurrents de Tikiphone ne se précipitent pas aussi sur ce marché éloigné peu attractif, alors que dans notre projet initial en 2008 avec DIGICEL TAHITI, on avait prévu de couvrir les principales îles éloignées dès l’ouverture.
L’OPT qui est l’outil du Pays pour le développement numérique fait une « certaine péréquation » entre ses marchés « monopolistes juteux » et ceux déficitaires des îles éloignées (même problématique que pour AIR TAHITI). Voici ce que dit ce même rapport de la Chambre Territoriale des Comptes aux pages 13-14/28 :
« Toutefois, par le biais de la péréquation opérée entre les îles, les archipels éloignés bénéficient des services de télécommunications au même niveau de prix que les îles du Vent, pour un coût supérieur …
L’intervention budgétaire du Pays dans le secteur des postes et télécommunications reste limitée :
L’opérateur public (l’OPT) ne perçoit pas de subvention de fonctionnement de la part du Pays. Les seules dépenses de fonctionnement du Pays relatives aux postes et télécommunications sur toute la période examinée concernent les frais de fonctionnement des services administratifs successifs et désormais de la direction générale de l’économie numérique. Elles sont de l’ordre de 80 MF sur la période …
D’autre part, l’essoufflement du modèle économique de l’OPT fondé sur le financement par les télécommunications des activités déficitaires, dont témoigne l’inquiétante évolution à la baisse des résultats consolidés du groupe, risque à terme de remettre en cause les ponctions opérées par l’actionnaire (le Pays) ».
D’où casser un monopole c’est bien, mais proposer un modèle économique plus compétitif qui permettrait de sauvegarder le système de péréquation de ce service public, c’est mieux.
Donc préserver le système de péréquation a un certain sens pour l’intérêt des îles éloignées. Mais encore faut-il que l’OPT fasse une cure pour essayer de perdre du poids car l’obésité de sa masse salariale tend à mieux profiter du système de péréquation au détriment des îles éloignées qui sont les laissées-pour-compte de la fracture numérique ; voir la Chambre Territorial des Comptes dans sa séance du 19 mars 2015 concernant les comptes de l’OPT 2008-2014 pages 18/47 et 19/47: en 2013, 900 salariés payés 6,8 milliards xpf/an ; soit un salaire moyen de 630 000 xpf/mois hors avantages divers.
A ce sujet, il serait intéressant de connaître le chiffrage exact de ce déficit pour ce marché des îles.
LE CHOIX O3b POUR LES ILES ELOIGNEES ?
Par ailleurs, on ne comprend toujours pas pourquoi l’OPT n’a pas retenu la technologie française plus performante d’O3b qui existe depuis … 2013.
Or, les techniciens bien avisés de l’OPT savent très bien que les extensions de capacités satellitaires de son réseau POLYSAT ne permettront JAMAIS aux îles non-reliées à HONOTUA d’avoir le même confort HAUT-DEBIT que Tahiti.
A notre sens, c’est l’architecture satellitaire de POLYSAT datant de 1981 qui est démodée par rapport aux besoins de l’internet HAUT-DEBIT dans nos îles éloignées, qui évoluent très vite.
C’est la bande Ka d’O3b qu’il nous faut dans les îles car la bande Ku actuelle de POLYSAT est plutôt destinée à faire de la DIFFUSION du signal Radio ou TV de TNS.
Seul un saut vers la nouvelle technologie révolutionnaire d’O3b nous apportera IMMEDIATEMENT un HAUT-DEBIT et un temps de réponse (latence) se rapprochant de HONOTUA. O3b le prouve déjà avec de la 4G/LTE pour des clients dans des coins très retirés du monde.
NOTRE REPONSE
Bien que la fracture numérique ait trop longtemps perduré pour les îles non-reliées à HONOTUA, la remise en cause du monopole de l’OPT pour les « télécommunications extérieurs » de la Polynésie française, n’est pas notre réponse.
POURQUOI O3b POUR LES ILES ?
Notre initiative qui est soutenue par Mme Teapehu TEAHE Représentante à l’APF, Présidente de la Commission de l’économie numérique à l’APF, et membre avec voix délibérative du Conseil d’Administration de l’OPT, est de proposer à l’OPT la technologie française d’O3b qui a révolutionné le marché des satellites, pour améliorer sa mission de service public et préserver ainsi le système de péréquation au profit des îles éloignées. Ecoutez l’interview en anglais du PDG français de Thales Alenia Space Jean Loïs Galle, à propos de la technologie d’O3b.
Cette solution d’O3b :
- Est immédiatement opérationnelle (c’était déjà en 2016!) pour nos îles non-reliées à HONOTUA avec la technologie LTE.
- Est moins chère pour l’OPT qui a payé à une certaine époque $1300-$1 400/Mbs l’accès satellitaire alors que le prix du marché mondial a été divisé par deux grâce à la concurrence mondiale d’O3b (depuis 2020 $50 à $200/Mbs ; soit divisé par 7); voir l’article sur mon interview par Tahiti Pacifique Magazine);
- Est surtout plus performante que l’actuel réseau satellitaire POLYSAT dont la capacité plafonnait à 371 Mb/s au 31 décembre 2015 comparé aux 460 Mb/s pour la seule antenne 1,2m qui sera utilisée par O3b pour le test prévu à Rangiroa.
- Est dotée de capacités se rapprochant de celles de HONOTUA :
- Latence ou temps de réponse : moins de 150 millisecondes
- Débits de l’ordre de 10 Mbits/sec à 100 Mbits/sec ; soit 1000 fois plus rapide que les 50 Kbits/sec de l’OPT mentionnés par la CTC.
- 1,6 Gigabits/sec par faisceau de 700 km de diamètre.
- Le réseau satellitaire d’O3b vient d’atteindre le niveau de 10 Gigabit/sec de Throughput ou quantité d’information traitée ou communiquée pendant une période de temps donné. Ce niveau est comparable aux 10 Gigabits/sec exploitables de HONOTUA pour l’ensemble de la Polynésie.
Le monde du business des satellites est petit ; l’OPT savait que cette technologie O3b conçue par Thales Alenia Space et opérationnelle depuis 2013, est appropriée pour nos îles non-reliées à HONOTUA. O3b (OBBB) avait approché sans succès l’OPT en 2012-2013.
Depuis, beaucoup de pays bien plus pauvres que la Polynésie française ont choisi O3b avec beaucoup de satisfaction : les îles Cook en premières.
LES OBSTACLES SURMONTABLES DU CHOIX O3b
Si l’OPT dans sa mission de service public est censé choisir les meilleurs fournisseurs satellitaires et que O3b est censé avoir une meilleure offre technologique, il n’en demeure pas moins que la situation des îles non-reliées à HONOTUA, est loin d’être satisfaisante.
Si le recours aux appels d’offres obligatoires pour ces gros marchés en jeu justifie la position de l’OPT, en revanche le résultat final a abouti à la situation actuelle très critiquée par les usagers.
Par exemple, le « Cahier des charges » des appels d’offres de l’OPT ne permet pas forcément d’offrir la meilleure technologie dans sa version optimale. En l’espèce :
- O3b utilise la bande Ka bien plus performante pour l’internet satellitaire HAUT-DEBIT que la bande Ku (réseau POLYSAT) qui elle, est appropriée pour la TV de TNS. Ci-dessous un tableau récapitulatif des caractéristiques de chaque bande : C, Ku et Ka. Par exemple la bande Ka avec une fréquence en GHz plus élevée transporte plus de données avec plus de rapidité (Throughput), l’antenne terrestre est plus petite mais la qualité de connexion baisse en cas de temps pluvieux et nuageux. Dans ce débat Ku Vs. Ka, on ne peut pas gagner sur tous les bords. Le choix final nécessite d’accepter l’inconvénient qui dérange le moins notamment pour le cas du mauvais temps jugé plus rare que le beau temps, tout le long de l’année.

Vu l’incompatibilité entre ces deux bandes Ka et Ku, l’OPT ne veut pas forcément modifier son réseau Ku terrestre POLYSAT pour recevoir le signal satellitaire Ka d’O3b. De plus, l’OPT exigera certainement que le signal satellitaire d’O3b passe par son réseau POLYSAT, pour éviter de perdre la main sur le trafic des signaux satellitaires, monopole oblige. Ce qui risque d’affecter la performance escomptée de la technologie d’O3B.
Donc il y a plusieurs manières dans un appel d’offres pour juger une meilleure technologie inappropriée dans le but de l’écarter. Mais on comprend que les abonnés des îles s’en moquent de ce débat technique. Ce qu’ils veulent c’est de l’internet HAUT-DEBIT chez eux qui marche de suite et à un prix abordable.
- O3b utilise des satellites à 8 000 km d’altitude (Medium Earth Orbit) alors que POLYSAT-OPT utilise les satellites d’INTELSAT à 36 000 km d’altitude (Geostationary Earth Orbit). Donc le temps de réponse (ou latence) est bien plus court pour O3B comme le montre ce test: O3b à gauche de l’écran comparé à droite un satellite GEO à 36 000 km, identique à INTELSAT 18.
O3b CHOISI PAR NOS VOISINS DU PACIFIQUE
En tout état de cause, le développement fulgurant d’O3B (même Orange partenaire historique de l’OPT utilise O3b en Afrique) lui a permis de recevoir un prix d’excellence en 2015.
Ci-dessous un tableau montrant des pays plus pauvres que nous (en termes de P.I.B par tête d’habitant), déjà connectés à O3b. Par exemple, on peut être jaloux de voir que les Solomon island qui ont 21,8 fois moins d’activité économique que nous, ont l’accès internet HAUT-DEBIT alors que nos îles non reliées à HONOTUA doivent se contenter du réseau POLYSAT largement dépassé sur le plan technologique comparé à O3b.

Un peu plus loin au TCHAD avec un PIB par habitant (valeur PPA 2015) de $ 2171 soit 12 fois plus bas que nous (26 100 / 2171), la société PRESTABIST bénéficie déjà de la technologie O3b avec de la LTE et de l’accès internet HAUT-DEBIT dans des coins très isolés comme le SAHEL en l’Afrique. Même Google en est épaté!
Pourtant selon l’OPT (voir Le constat dans les îles), des milliards xpf sont dépensés chaque année pour nos îles éloignées.