La guerre en Ukraine où les valeurs occidentales du "monde libre" sont en jeu

SOMMAIRE :

  1. L'origine de ce conflit
  2. Le paysage politique de l'Ukraine
  3. Kiev : capitale de l'Ukraine et berceau de la civilisation russe
  4. Le rapport de force militaire en présence
  5. Dans la tête de Poutine ancien colonel du KGB
  6. La Russie classée régime autoritaire
  7. La problématique géopolitique à la frontière Ouest de la Russie
  8. Poutine face à un dilemme
  9. Conclusion

Après avoir subi deux terribles années (2020-2021) de Covid-19, nous voilà repartis maintenant avec une guerre en Ukraine. Puisque cet évènement mondial nous affectera tous avec les prix du carburant, du gaz et de l'électricité qui vont bientôt augmenter ici, j'ai essayé de comprendre le "pourquoi du comment" de cette guerre en Ukraine, sans tomber dans la "doxa mainstream" ou le courant dominant est la pensée et la croyance d'une majorité.

En résumé, je rejoins le message d'Oleksandra Matviichuk, présidente du Centre ukrainien pour les libertés civiles, lors de la remise du prix Nobel de la paix le 10 décembre 2022 à Oslo (voir la photo ci-dessous) : « La guerre en Ukraine n’est pas une guerre entre deux Etats, mais entre deux systèmes : l’autoritarisme et la démocratie ». Donc pour ceux qui chérissent les valeurs de la démocratie, soutenons l'Ukraine qui essaye de s'accrocher au clan de la liberté (l'Occident dont la Polynésie française fait partie), sous les bombardements de la Russie décidés par l'autocrate Poutine.

Oleksandra Matviichuk à droite de la photo - Source : Le Monde du 10/12/2022

Bien évidemment, il y a ceux (tel le colonel Douglas Abbott Macgregor) qui se rangent du côté de Poutine, car ils pensent que l'Ukraine a toujours fait partie de la Russie ; tant pis donc pour les Ukrainiens qui aspirent à s'extraire du joug de la Russie. À ce sujet, j'invite chacun à étudier l'histoire de ces deux pays : voir infra les liens hypertextes, dont celui-ci "Pourquoi Poutine parle-t-il tout le temps des nazis ?", qui résume brillamment le prétexte du nazisme, exploité politiquement par Poutine, pour mieux tenir sous sa botte le peuple russe.

1- L'origine de ce conflit

Tout d'abord, il faut rappeler que la violence a jalonné l'histoire de la Russie dont le centre du pouvoir au Kremlin est malheureusement dominé par une espèce de "régime mafieux", expliquant l'ascension du "manipulateur" ex-KGB Vladimir Poutine ; voir à ce sujet, l'interview de Bernard Lecompte dans Sud Radio du 26/12/2022.

Cette guerre a commencé en fait :

Ce conflit russo-ukrainien, qui se déroule dans l'Est de l'Ukraine (Ukraine orientale), principalement au Donbass, s'est maintenant étendu par un envahissement de toute l'Ukraine, décidé par un SEUL homme : Vladimir Poutine, "uniquement" informé et conseillé par le FSB, le successeur du KGB. À ce sujet, "le débat sur la guerre russe en Ukraine sur LCI du 29 décembre 2022" montre à quel point, Poutine ne fait confiance qu'au renseignement fourni par son entourage très fermé du FSB, pour prendre seul ses décisions.

L'auteur avisé Bernard Lecompte explique dans Sud Radio du 27/12/2022 au chrono 1:00, le "système mafieux" typique du Kremlin qui a permis au manipulateur "KGBiste" Poutine d'être placé à la tête de la Russie par Boris Eltsine, grâce à une espèce de "pacte de non-agression" entre eux deux : Eltsine accorde sa succession au poste de Président de la fédération de Russie à Poutine qui lui, en contrepartie, s'engage à le protéger.

Pour d'autres experts, Poutine veut maintenant se donner la même stature qu'Ivan le Terrible, Pierre 1er le Grand, Catherine II la Grande ou Joseph Staline. À ce sujet, Christine Ockrent dans son livre de 2014 "Les oligarques" nous résume le système Poutine; elle est interviewée le 06/03/2022 par Patrick Simonin sur TV5MONDE.

Le Professeur John Mearsheimer affirme clairement que l'OTAN et les Etats-Unis sont les véritables responsables de ce conflit en ayant officiellement invité l'Ukraine et la Géorgie à rejoindre l'OTAN lors du Sommet de Bucarest du 1-4 avril 2008. Ce qui a bien évidemment commencé à provoquer frontalement Poutine.

Mais le professeur Alexander Stubb est en total désaccord avec le professeur Mearsheimer; voir sa vidéo : "Why Mearsheimer is wrong about Russia and the war in Ukraine." Son opinion est étayée sur des arguments solides. En effet, peu importe les raisons géopolitiques qui auraient poussé Poutine SEUL à conquérir l'Ukraine, on ne "raye pas de la carte" un pays voisin (plus grand que la France) pour ensuite forcer sa population de 44 millions à avoir la citoyenneté russe ! Poutine se moque de la souveraineté en droit international qui garantit l'indépendance, la capacité à ne pas se voir imposer la volonté des autres (principe de non-ingérence), et la liberté d'organisation interne. Selon Joshua Rubenstein : "Poutine glorifie Staline, symbole de la grandeur de l’Union soviétique" ; donc Poutine "ne vit pas sur la même planète" que ses homologues des pays libres de l'Occident. Il ne connaît que la force militaire pour dicter sa vision du monde.

Hubert Védrine nous résume la complexité de ce conflit et l'ancien Premier Ministre de la Finlande, le professeur Alexander Stubb du School of Transnational Governance (EUI) nous explique en quelques vidéos la portée considérable de ce conflit :

Voici d'autres sources pour comprendre l'origine de ce conflit :

2- Le paysage politique de l'Ukraine

Tout d'abord, l'Ukraine est un pays très divisé sur le plan ethnolinguistique et sur le plan politique : voir l'évolution politique sur la carte ci-dessus.

Ci-dessous une carte présentée le 4-7 juin 2015 par le Professeur John Mearsheimer ("Why is Ukraine the West's Fault?" University of Chicago). En résumé, on constate une zone d'influence ukrainienne à l'Ouest (partie rouge) et une zone d'influence russe à l'Est (partie jaune) qui explique les convoitises de Poutine.

3- Kiev : capitale de l'Ukraine et berceau de la civilisation russe

N'oublions pas que Kiev (Kyiv) capitale actuelle de l'Ukraine a été aussi celle de la principauté de Kiev (Rus' de Kiev 882-1240) qui est le berceau de la civilisation russe. Les ukrainiens sont très proches des russes pour être aussi des slaves orientaux. Sur les 44 millions d'ukrainiens recensés en 2019, 13% sont d'origine ethnique russe et 1/3 parle le russe comme langue maternelle. D'ailleurs, selon Hélène Carrère d’Encausse, la communauté ukrainienne est la plus importante dans l'espace soviétique nationale (voir "Six années qui ont changé le monde : 1985-1991, la chute de l'Empire soviétique" - page 132).

Quant au peuple russe, elle a une forte diversité ethnique regroupant environ 160 différentes nationalités sur son sol. Ci-dessous la répartition de sa population de 146 millions en janvier 2021 :

Dans une interview sur ARTE du 30/07/2022 "Démocraties contre dictatures : la nouvelle guerre des mondes" (au chrono 03:05), Alain Frachon, journaliste et éditorialiste, nous rappelle clairement quelles étaient les intentions de Poutine mentionnées en 2021 sur le site du Kremlin : historiquement, culturellement et politiquement l'Ukraine n'existe pas; l'Ukraine c'est la Russie! (chrono 3:10) Dans son livre "Un autre monde" aux pages 337-340, il s'oppose à ceux qui accusent que l'Occident (et plus spécifiquement l'OTAN) est responsable de ce conflit, en ayant acculé Poutine à l'envahissement de l'Ukraine. Il écrit : "Est-ce si difficile de dire les choses comme elles sont? Un dictateur [Poutine], en mal de reconstitution d'un empire perdu, cette URSS effondrée sous ses propres contradictions, agresse un pays indépendant. Objectif : le casser [l'Ukraine] pour le soumettre; le terroriser pour l'assujettir à nouveau "comme avant". Poutine, l'ordonnateur de l'assaut sur l'Ukraine, appartient à cette génération de Russes venus des services de sécurité [KGB], écrit le politologue Ivan Krastev dans le New York Times, qui n'ont jamais digéré la fin de l'URSS : "Construire le futur ne les intéresse pas, ils veulent refaire le passé". Ce qui traumatise Poutine dans l'Ukraine d'aujourd'hui, ce n'est pas la lointaine perspective de sa possible appartenance à l'OTAN, c'est la volonté de ce pays de rejoindre "l'Ouest" - le monde démocratique et libérale. Il faut ramener la traîtresse "à l'Est", à la maison Russie à laquelle elle appartient. Vladimir Poutine l'a écrit : il n'y a pas de peuple ukrainien. Pourquoi ne voir que figure de rhétorique dans le propos des autocrates? ... Celui-ci [Poutine] s'attache à reconstituer l'impérium de Moscou sur son étranger proche [l'Ukraine]. Pas par peur de l'OTAN, mais dans un mélange de sentiments complexes, où se mêlent désir de puissance incontrôlé et volonté de revanche sur l'histoire."

A l'adresse des puissances occidentales, Xi Jinping a donné ce même type de message de revanche sur l'histoire!

Selon l’universitaire Serge Rolet, Poutine veut réaliser son fantasme nationaliste grand-russe, faisant de l’Ukraine une humiliante arrière-cour de la Russie. Aux Ukrainiens, il insinue : « Soit vous êtes une partie de nous, soit vous n’êtes rien. Votre volonté d’être autre chose que des Petits-Russes est le signe que vous êtes dirigés par des nazis dépravés et drogués, c’est pourquoi nous avons le devoir sacré de les détruire, et vous avec, si besoin ». Mais les combattants ukrainiens sur le front refusent de se soumettre et d'être considérés comme des esclaves de Poutine!

Quant à la liberté d'opinion des Russes sous le régime de Vladimir Poutine durant la guerre en Ukraine de 2022, ils subissent encore, dans leur pays le plus vaste du monde, la surveillance de "BIG BROTHER" : voir le roman "1984" de George Orwell et le documentaire "1984" ou "Le meilleur des mondes" ? George Orwell, Aldous Huxley - ARTE 20 oct. 2022. D'ailleurs, Nina Lvovna Khrushcheva, arrière-petite-fille de Nikita Khruschev a fait allusion, en octobre 2022, que Poutine a réussi à inverser la réalité dans la façon de penser du peuple russe : "Putin’s Russia, war is peace, slavery is freedom, ignorance is strength and illegally annexing a sovereign country’s territory is fighting colonialism."

Le cas de la Chine avec son système de surveillance et de notation de ses citoyens (concept du "crédit social") ressemble drôlement à Big Brother poussé à l'extrême. Mais pour certains Chinois, le fait d'être surveillés par ces systèmes de caméra, curieusement leur assure une certaine sécurité !

Pour Poutine, c'est donc une conquête militaire symbolique qui a déjà causé beaucoup de morts civils. Jean-François Colosimo, théologien, éditeur et essayiste, pense que Poutine a totalement nié la volonté politique des ukrainiens à vouloir se démarquer de Moscou. Mikhaïlo Podolyak, conseiller spécial du Président Volodymyr Zelensky, dans une interview du 4 octobre 2022 au chrono 05:45, confirme qu'il y a un "fossé civilisationnel" entre le peuple ukrainien et le peuple russe!

4- Le rapport de force militaire en présence

Ci-dessous un résumé du rapport de force militaire entre l'agressé (l'Ukraine) et l'agresseur (la Russie) : c'est donc David (l'Ukraine) contre Goliath (la Russie). La vidéo : "The Hidden Battle that Saved Ukraine" au chrono 19:00 et l'article du 24 février 2022 dans Libération : "« Ne pas les laisser atterrir » Hostomel : la bataille qui a changé le cours de la guerre en Ukraine, racontée de l’intérieur", expliquent comment la bataille épique de l'aéroport de Hostomel a permis, grâce à la CIA, de déjouer le plan des Russes qui devaient capturer au tout début la capitale Kiev, en quelques jours ! En effet, au 30/03/2022, après 34 jours de guerre, on apprend que la petite armée ukrainienne a commencé à donner du fil à retordre à la grande armée russe : voir également la vidéo "30 Ukrainiens bloquent un convoi russe grâce à Elon Musk".

Le bilan militaire depuis le 24/02/2022 :

Ci-dessous un des cimetières de chars russes qui se sont fait littéralement "canardés" à partir de plusieurs kilomètres d'altitude par les missiles des drones ukrainiens, téléguidés par des opérateurs bien informés des mouvements ennemis russes grâce au service de renseignement satellitaire américain.

Malheureusement, avoir à la tête d'une grande puissance nucléaire comme la Russie, un Vladimir Poutine dangereux, humilié et rancunier rêvant de reconstituer l'Empire soviétique qui s'est effondré en 1991représente un sérieux risque permanent de conflit mondial, en osant défier l'Occident avec l'arme nucléaire. 

5- Dans la tête de Poutine ancien colonel du KGB

Tout d'abord, étant à la tête de la Russie, le pays le plus vaste au monde détenant aussi la deuxième puissance militaire au monde, Poutine se considère infaillible et "indéboulonnable". D'ailleurs, "à la télévision russe (sous la botte de l'état), Poutine est un sauveur et un libérateur"; ce constat rejoint indirectement la thèse qu' "Un vaste monde, situé à l'est de l'Europe, n'est toujours pas sorti de l'âge soviétique".

En effet, certains spécialistes expliquent que la Russie n'a pas la même vision du monde que les pays libres de l'Occident. A ce sujet, voir les émissions du :

Donc pour ceux qui n'ont pas encore bien saisi la vision impérialiste de Poutine (plus KGBiste que communiste ; voir le débat du 14/12/2022 sur LCI au chrono 10:00), ils risquent de ne pas comprendre les vraies raisons de cette guerre. Etant un ancien du KGB, Poutine a une vision binaire dans les rapports de force en géopolitique. Pour lui, il n'y a pas de gagnant-gagnant ; il doit être le gagnant et les autres en face les perdants (voir au chrono 8:30). Bernard Lecomte explique à merveille le personnage Poutine dans Sud Radio du 27/12/2022 au chrono 16:00. Le géopoliticien Dominique Moïsi a conclu dans LCI du 2/1/2023 que Poutine "est prisonnier de sa pensée, devenue folle" et l'assimile maintenant à Adolphe Hitler.

L'historien Antoine Arjakovsky, co-auteur du livre "Le Livre noir de Vladimir Poutine" novembre 2022, résume en quatre points le désaccord profond entre les russes et les ukrainiens (voir la ressemblance avec "Chers ennemis : les Français et les Allemands") :

  1. Sur le plan de l'histoire : selon les russes, puisque le berceau de la civilisation russe est à Kiev (Kyiv), la capitale actuelle de l'Ukraine qui a été aussi celle de la principauté de Kiev (Rus' de Kiev 882-1240), c'est donc la Russie qui doit "prendre le dessus" sur l'Ukraine.
  2. Sur le plan de la religion : Moscou se voyant comme "la troisième Rome" après la chute en 1453 de Constantinople "la deuxième Rome", le patriarcat de Moscou (tenu par le patriarche Kirill un ancien KGB ami de Poutine), essaye donc en vain d'avoir un droit de tutelle sur la religion orthodoxe en Ukraine. L'invasion du 24 février 2022 est venue attiser ces tensions.
  3. Sur le plan de l'état : l'Ukraine doit céder à la prééminence et à l'impérialisme de la Russie de Poutine. Elle n'a donc pas droit à la souveraineté (sic!).
  4. Sur le plan de la géopolitique : l'Ukraine, à l'insu de Poutine, veut se détacher du joug de la Russie pour être un état souverain et libre d'intégrer l'Union européenne et l'Occident en général.

Au 24 février 2022, le monde entier et les ukrainiens eux-mêmes sont stupéfaits : Poutine, en mal de sphère d'influence soviétique, a décidé par ce qu'il appelle une "opération militaire spéciale, d'envahir l'Ukraine pour s'emparer de Kiev la capitale, en trois jours". La déclaration de "guerre" est soigneusement évitée par Poutine, car elle aurait impliqué l'obligation d'une "mobilisation générale" de la population russe qui est justement peu disposée à sacrifier ses jeunes, après avoir connu les 26 000 soldats russes morts de la Guerre d'Afghanistan (1979-1989). Au 20/07/2022, elle aurait déjà accusé de lourdes pertes dont plus de 45 000 soldats selon les diverses estimations à faire vérifier avec prudence (sources : US, UK, Estonian).

Selon Anne Nivat, grand reporter, en Russie, "Les Russes vivent absolument normalement, comme si de rien n'était" (voir LCI du 23/12/2022). Elle confirme que ceux qui sont expédiés au front sont principalement les ethnies non-russes pauvres qui vivent dans les régions retirées de la Russie; ce ne sont pas les russes des grandes villes telle Moscou et Saint-Pétersbourg.

Comment au 21ième siècle peut-on voir encore le plus vaste pays au monde (la Russie) envahir le deuxième plus vaste pays européen (l'Ukraine)? Cela nous rappelle les années sombres d'Adolphe Hitler. Certes, à s'y méprendre, la comparaison est imparfaite. Mais Boris Cyrulnik a une explication convaincante de ce qui se passe "Dans la tête de Vladimir Poutine - C à vous" - 25/03/2022 : Poutine, pour des raisons de développement et pas de folie, ne s'intéresse pas au monde mental des autres ("arrêt de l'empathie"). Il reste prisonnier de lui-même et de son immédiat; ce qui compte c'est son désir de faire la guerre et de la gagner. Il passe donc à l'acte sans aucune culpabilité.

Hélène Carrère d'Encausse pense que Poutine a organisé une "catastrophe" qui risque de voir, dans un "sauve-qui-peut", son entourage politique se retourner contre lui. Elle explique le 2 novembre 2022 devant Pascal Boniface (fondateur de l'IRIS) comment Poutine a dilapidé son héritage politique par cette guerre qui a ruiné ses efforts de restauration de la Russie.

Par ailleurs, voici une excellente vidéo de H5 Motivation expliquant la personnalité complexe (l'émotionnel influençant la rationalité) de "Poutine qui serait un Danger Pour l'Humanité" et une autre vidéo de Johnny Harris qui analyse clairement les arguments fallacieux de Poutine pour justifier son invasion de l'Ukraine.

Pourtant, selon Adrien Jaulmes & Lucas Menget dans leur préface du livre "Les nouvelles menaces sur notre monde vues par la CIA Analyses, faits et chiffres" (Avril 2022): "La CIA, face à Poutine, a inventé une nouvelle méthode : employer l'information non pour dissimuler, mais pour faire éclater la vérité. De façon inédite, les agents de l'ombre ont choisi comme arme la lumière.... Jamais les Etats-Unis n'avaient rendu publiques autant d'informations et d'analyses, avec autant de détails, aussi rapidement et avec autant de constance..." En effet, la CIA n'avait de cesse d'informer le monde des intentions imminentes de Poutine d'envahir l'Ukraine. Mais les Européens n'ont pas été convaincus et même le Président Zelensky n'a "pas voulu entendre" les avertissements de Biden.

On craint donc le spectre d'une troisième guerre mondiale, encore à partir de l'Europe comme pour la Première et la Seconde guerre mondiale. Le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, cherche justement à obtenir la victoire de l’Ukraine sans faire la guerre à la Russie. Ce qui n'est pas facile face à la rhétorique nucléaire et menaçante de Poutine.

Un de mes auteurs préférés Yuval Noah Harari pense que "Si on n'arrête pas Poutine, ce sera dévastateur pour nous tous ... la guerre en Ukraine est cruciale pour l'avenir de l'humanité ... le plus tragique, c'est qu'elle n'a été voulue que par une personne". 

Poutine n'a jamais accepté que l'Ukraine soit devenue indépendante de la Russie. "Son principal argument a été d’affirmer que l’Ukraine contemporaine a été créée, entièrement et pleinement, par la Russie, plus précisément par la Russie bolchévique et communiste. Selon lui, Lénine est le seul responsable de la création de l’État ukrainien. A la télévision le lundi 21 février 2022, il s’était adressé à la nation russe pour expliquer pourquoi, alors que sa décision viole toutes les règles du droit international, il avait pris la décision de reconnaître les républiques autoproclamées de Donetsk et de Louhansk ... Mais d'après l’historien russe Andréi Zoubovl’Ukraine est devenue indépendante en janvier 1918 en conséquence des actions de Lénine, mais non pas grâce à Lénine​."​ De plus, Poutine ne cesse de répéter que l'objectif de Moscou est de "dénazifier l'Etat ukrainien" et de "protéger les personnes victimes de génocide de la part de Kiev".

Ayant exigé en vain que l'Ukraine reste neutre et n'intégrera jamais l'OTAN, Poutine a donc pris prétexte du non-respect des accords de Minsk 1 & 2 pour envahir l'Ukraine dans le but de capturer Kiev, de "décapiter" le gouvernement de Volodymyr Zelensky et d'installer un "gouvernement fantoche" à la botte de la Russie, tout en menaçant le monde avec l'arme nucléaire (Sic!) de ne pas se mêler des affaires russo-ukrainiennes (voir aussi l'excellent résumé de France 24 du 25/03/2022 par Elena Volochine).

D'ailleurs, l'ex-président russe Dmitri Medvedev (le "protégé" de Poutine) a renchéri le 06/07/2022 la menace de l'arme nucléaire en faisant fi de la Cour pénale internationale (CPI) qui a osé lancer, en mars 2023, un mandat d'arrêt international contre Poutine pour "déportation" et "transfert de population (enfants) depuis des zones occupées de l'Ukraine".

"L'idée même de châtier un pays qui a le plus grand arsenal nucléaire au monde est absurde, selon Medvedev. Et cela crée potentiellement une menace pour l'existence de l'humanité" (Sic!). En d'autres termes, puisque la Russie est une grande puissance nucléaire ; elle est donc au-dessus du droit international. Le monde entier doit de ce fait acquiescer aux désidératas de Poutine d'envahir et de détruire l'Ukraine.

Rappelons qu'au lendemain de son indépendance plébiscitée à 92,26% le 01/12/1991, l'Ukraine était la deuxième plus puissante république de l'ex-URSS en détenant 1/3 de son arsenal nucléaire, la hissant ainsi à la 3ième puissance nucléaire mondiale de l'époque. D'ailleurs, selon François Martin, président du club HEC Géostratégies, l'Ukraine fabriquait jusqu'en 1991 déjà 30% de tout l'armement de Union soviétique (voir au chrono 23:15).

Mal lui en a pris, dans le Mémorandum de Budapest de 1944, l'Ukraine avait déjà accepté (et confirmé en 2014 malgré l'annexion de la Crimée par la Russie) de se séparer de ses armes nucléaires pour rejoindre le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), marquant ainsi sa contribution pour une stabilité dans le monde. En contrepartie de cette concession, les États-Unis, l'OTAN et la Russie s'engageaient à protéger l'Ukraine (voir au chrono 33:00). Comprenez donc pourquoi les Ukrainiens se sentent maintenant trahis dans cette guerre où ils supplient une aide pressante de l'Occident.

Donc c'est l'agresseur (Poutine) qui nous dit : attention, en cas de fiasco militaire si la Russie se sent agressée (par un "risque existentiel"), je presse le bouton de l'arme nucléaire! Face à cette menace nucléaire, le monde libre "tremble" et Poutine peut donc continuer entre temps son massacre des ukrainiens! Au 30/03/2022 constatant un échec de la stratégie de conquête de l'armée russe, le général américain retraité Jack Keane est déçu que l'Administration Biden, par crainte d'attiser la menace nucléaire de Poutine, ne redouble pas d'effort militaire pour que l'Ukraine gagne définitivement cette guerre.

Certes, l'Union soviétique a payé le plus lourd tribu avec ses 25 millions de morts à cause du "fou va-t-en-guerre" Hitler qui, par fierté, a préféré se suicider pour éviter certainement la honte, devant le monde libre, d'être capturé par les "Alliés" et d'être condamné à mort pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité; voir le procès de Nuremberg. Ce sacrifice humain explique que les russes ont un peu ce sentiment vertueux d'avoir sauvé l'Europe du nazisme. A ce sujet, voir la mentalité des russes expliquée par le Prof Alexander Stubb.

 morts de la seconde guerre mondiale décès pertes deuxième
Source : Les Crises Les chiffres diffèrent selon les sources mais restent assez fiables en ordre de grandeur

D'où, on peut comprendre cette espèce de "psychose paranoïaque" de Poutine qui se sent encerclé par le monde libre (plus exactement par les pays membres de l'Union européenne) pour anéantir des villes comme Marioupol sans tenir compte des civils. Mais qui est le fou qui peut penser un seul instant que l'Union européenne ou l'Occident en générale aurait cette folle ambition de vouloir à terme envahir la Russie (voir Pierre Servent éditorialiste géopolitique TF1-LCI au chrono 7:06). On n'est plus à l'époque de la grandeur de la France napoléonienne où la campagne de Russie de 1812 avait été menée pour punir Alexandre Ier de Russie d'avoir levé le blocus continental imposé par Napoléon 1er à toute l'Europe depuis 1806, contre le Royaume-Uni; elle s'est soldée par la fameuse Bérézina!

Poutine ne craint-il pas plutôt que de plus en plus de citoyens russes soient, au même titre que les citoyens de l'Union européenne, tentés à vouloir plus de liberté et de démocratie ; compromettant ainsi son pouvoir absolu et personnel.

Gilles Favarel-Garrigues, Directeur de recherche, Sciences Po-CERI, Sciences Po dans son article du The Conversation du 23 mars 2023 "Comment Vladimir Poutine a mis en place une « verticale de la peur » en Russie" décrit un Vladimir Poutine qui s'est engagé dès son arrivée à la présidence de la Fédération de Russie, en 2000, à restaurer une « verticale du pouvoir » qui a été mise à mal, selon lui, durant les années 1990, marquées par un profond délitement de l’État.

Cédric MAS, historien militaire, en est convaincu ; voir la présentation du 10/10/2022 au chrono 56:08, Ukraine : "de l'échec annoncé à la contre-offensive" - analyse pour comprendre l'évolution. D'ailleurs, depuis cette invasion, on constate une importante fuite des cerveaux russes, qui est le symptôme classique d'un régime autoritaire. Albert Einstein qui a fui l'Allemagne hitlérienne en restant aux Etats-Unis pendant un voyage en 1933, a été, entre autres, l'illustre exemple.

Pour certains, la meilleure manière d'arrêter Poutine dans sa folie meurtrière de reconquête SANS risquer un embrasement du monde, est d'espérer un soulèvement le plus tôt du peuple russe contre lui et de ses oligarques corrompus constituant sa garde rapprochéeL'écrivain en exil Boris Akounine pense que SEUL le peuple russe peut l'arrêter. Il y a même ceux qui espèrent son élimination par certains de son entourage. Pour certains l'espoir d'une "révolution de palais" est très mince, mais pour d'autres comme Alexandre Adler, "le conflit en Ukraine indiquerait que la fin de Vladimir Poutine à la tête de la Russie est proche" ; voir également la vidéo : "Zelensky l'assure, Poutine sera tué par les siens".

Francis Fukuyama auteur de "La fin de l'Histoire et le dernier homme" (prophétisant une "perspective mondialiste" grâce au triomphe mondial de la démocratie libérale, à la victoire idéologique, géopolitique et historique de l'Occident au détriment de l'effondrement des derniers totalitarismes) pense que l'élimination de Poutine serait une étape nécessaire pour réorienter le régime autoritaire de la Russie vers une vraie démocratie libérale.

En tout cas, même si Poutine s'en sortira militairement grand vainqueur de cette agression, les millions d'ukrainiens qui refuseront de subir le joug de l'armée russe (voir les référendums d'autodétermination organisés de force par les russes dans le sud de l'Ukraine), continueront leur guérilla sur l'ensemble de l'Ukraine qui est plus grande que la France.

En effet d'une manière ou d'une autre, Poutine sera traité encore plus en paria et ne sera plus jamais un interlocuteur crédible face au monde libre. Curieusement, beaucoup de ses opposants oligarques meurent prématurément. Cet autocrate se "moque" royalement de ce que les démocraties occidentales pensent de lui. Par exemple, "le Kremlin a rejeté jeudi 17/03/2022 la décision de la Cour internationale de justice, le plus haut tribunal de l’ONU, qui a ordonné la veille à la Russie de suspendre immédiatement ses opérations militaires en Ukraine". Poutine a commis une "gaffe" ("blunder") selon William Taylor, ancien ambassadeur américain en Ukraine, en sous-estimant la fervente volonté des ukrainiens à rester libres. En bombardant sans relâche les villes et les populations civiles pour arriver à ses fins, il a réussi à convaincre de plus en plus de monde qu'il était un chef d'état très dangereux pour la stabilité du monde. Il a provoqué un "effet cliquet" (processus irréversible ou point de non-retour) et a sous-estimé la combativité des ukrainiens et l'appui spontané de l'Union européenne, des Etats-Unis et de l'ONU. Il sera isolé des instances de la communauté internationale. Mais il est vrai que cette guerre doit être analysée dans une logique géopolitique où la Russie de Poutine peut compter sur la neutralité, voire le soutien de certains pays. A ce sujet, Jean-Marc FOUR, Directeur de la Rédaction internationale de France Culture, nous donne un résumé dans les deux vidéos suivantes :

De toute manière les ukrainiens, à cause de cette guerre et par crainte de revivre le joug de la Russie (voir cette vidéo montrant le combat des ukrainiens pour rejoindre le monde libre de l'Union européenne), voudront certainement intégrer le plus tôt possible l'Union européenne et très probablement à terme l'OTAN.

Voici une déclaration datant du 28/11/2022 à Bucharest du Secretary-General Jens Stoltenberg de l'OTAN :

  • “as we face our greatest security crisis in a generation ...
  • We cannot let Putin win ...
  • This would show authoritarian leaders around the world that they can achieve their goals by using military force — and make the world a more dangerous place for all of us ...
  • It is in our own security interests to support Ukraine.

Donc Poutine a en fait provoqué le résultat inverse de ce qu'il voulait au départ : ralentir les forces de la liberté (freedom) portée par la progression de l'OTAN, en envahissant l'Ukraine. Poutine est peut-être un bon stratège géopolitique, mais il faut vraiment être assez fou de vouloir "rayer de la carte" un pays de 44 millions d'habitants (plus grand que la France), pour l'intégrer de force dans la Russie.

Zakka Jacob de Crux tente d'expliquer de manière originale par la théorie des jeux l'issue finale recherchée par Poutine.

6- La Russie classée régime autoritaire

A titre indicatif, à partir de 60 critères d'évaluation pour répartir en quatre différents types de régime, la Russie a été classée en 2021, 125ième sur un total de 167 pays étudiés, selon l'Indice de démocratie par pays calculé par The Economist Group (propriétaire du très connu The Economist) :

  1. les démocraties pleines (cas de la Nouvelle Zélande, l'Australie, le Royaume uni, l'Allemagne, la Norvège, la Finlande, la Suède, le Danemark, l'Irlande, la Suisse, le Pays-Bas, le Canada, Taiwan, le Japon, le Costa Rica) sont les pays qui ont un indice entre 8 et 10 ; d'ailleurs par crainte de la Russie, la Finlande et la Suède (voir la carte ci-dessous leur frontière avec la Russie) envisagent maintenant d'intégrer l'OTAN;
  2. les démocraties imparfaites (cas de la France, l'Italie, la Belgique, la Grèce, l'Espagne, le Portugal, Israël, les Etats-Unis, Singapour, le Brésil, l'Inde) sont les pays qui ont un indice entre 6 et 8 ;
  3. les régimes hybrides (cas de l'Ukraine, Hong Kong, Fidji, le Mexique) sont les pays qui ont un indice entre 4 et 6 ;
  4. les régimes autoritaires (cas de la Russie, la Chine, le Venezuela, l'Iran, l'Arabie saoudite, Cuba, l'Afghanistan) sont les pays qui ont un indice inférieur à 4.

L'indice de démocratie est fondé sur 60 critères appartenant à cinq catégories (le processus électoral et le pluralisme, les libertés civiles, le fonctionnement du gouvernement, la participation politique, la culture politique). Elles sont interdépendantes et conçues comme un tout conceptuel cohérent ; les élections libres et justes, la liberté politique sont considérées comme des conditions sine qua non à l'idée de liberté politique. Sont également pris en compte les libertés d'expression, de religion, d'association, et le droit à un procès juste et équitable (source Wikipédia accédé le 16/04/2022).

Certes, la méthode d'évaluation peut être contestée sur certains points, mais ce classement permet de reléguer la Russie de Poutine au rang des régimes autoritaires qui ne peuvent être considérés comme des interlocuteurs crédibles dans le cercle des démocraties.

7- La problématique géopolitique à la frontière Ouest de la Russie

Pour les géopoliticiens (tel le professeur John Mearsheimer de l'Université de Chicago) qui consentent que Poutine a envahi l'Ukraine pour arrêter l'encerclement de la Russie par les pays du monde libre, mon bon sens me dit que :

La zone géostratégique du bassin Indo-Pacifique englobant la Polynésie française!
Source Wikipédia accédé le 19/05/2022

Maintenant par un effet de boomerangla Finlande (avec 62% d'opinion favorable des finlandais suite à l'invasion de l'Ukraine selon le professeur Alexander Stubb) et la Suède, pays voisins de la Russie, par crainte de subir le même sort que l'Ukraine, veulent intégrer l'OTAN, alors qu'elles ont toujours été historiquement neutres dans cette opposition de la Russie face à l'OTAN.

En réaction à cette décision, Vladimir Dzhabarov un sénateur russe a menacé la Finlande d'être une prochaine cible potentielle de destruction comme a été l'Ukraine. Donc si la Finlande et la Suède décidaient à leur tour d'intégrer l'OTAN, alors la Russie menace de déployer des armes nucléaires près des pays baltes. On entre donc de plain-pied dans le "rapport de force" géopolitique entre la Russie et les pays de l'OTAN.

De même que l'Union européenne et l'OTAN se sont senties emportées par un élan de cohésion pour mieux défendre ensemble leurs valeurs de liberté et de démocratie. Par ailleurs, selon “Die Welt”, le journal d’outre-Rhin du 24/11/2022 : “Le règne de l’Allemagne est révolu, l’heure de l’Europe de l’Est a sonné. La guerre en Ukraine a modifié l’équilibre géopolitique du Vieux Continent, les pays d’Europe de l’Est en sortent renforcés, au détriment des puissances traditionnelles que sont l’Allemagne et la France. L’invasion brutale de l’Ukraine par la Russie le 24 février a entraîné une véritable restructuration de l’Union européenne (UE), dont le centre de commandement se déplace petit à petit vers l’est. L’Estonie, la Pologne et la République tchèque comptent, en effet, parmi les principaux fournisseurs d’armes européens de Kiev, et ce sont eux qui ont accueilli la majeure partie des plus de sept millions de réfugiés ukrainiens. Un constat semble s’imposer : le règne de l’Allemagne est révolu ; l’heure de l’Europe de l’Est a sonné. La guerre en Ukraine a placé l’ensemble des pays d’Europe centrale et orientale (Peco) sous le feu des projecteurs. Ces pays – qui forment, selon un terme allemand archaïque, “l’Europe médiane”, c’est-à-dire une zone située entre l’Allemagne, la Russie et l’Autriche – ont longtemps joui d’un poids politique très limité à Bruxelles. Mais désormais, ce sont eux qui donnent le tempo des sanctions européennes contre Moscou. Varsovie ou Tallinn sont toujours les premiers à exiger un durcissement des mesures – avant que Berlin ne finisse par leur donner raison. La Slovaquie, la Roumanie ou encore la Pologne – qui, pendant des années, se sont fait accuser d’hystérie par Bruxelles et Berlin lorsqu’elles mettaient en garde contre l’agressivité de Moscou – se retrouvent aujourd’hui à l’avant-garde [de la lutte contre la Russie]. La Pologne, plaque tournante des livraisons d’armes occidentales à Kiev, s’est imposée comme un acteur incontournable. De tous les pays de l’Otan, c’est d’ailleurs elle qui renforce le plus l’arsenal militaire ukrainien."

Si la Russie grâce à sa supériorité militaire écrasante arrive à conquérir l'Ukraine, la majorité des 44 millions d'ukrainiens abandonneront-ils leur liberté pour se laisser "mater" à cause de la décision d'UNE SEULE personne, Poutine? L'armée russe (avec environ 1 million d'effectifs) n'aura tout simplement pas les moyens humains suffisants pour contenir la révolte certaine des millions d'ukrainiens répartis sur un pays plus vaste que la France.

Il faut donc craindre que cette guerre s'enlise dans une "guérilla" où des millions d'ukrainiens anti-Poutine continueront à se battre pour LA LIBERTE et LA SOUVERAINETE de leur pays avec les armes de dernier cri, les munitions et surtout le "renseignement militaire" fournis par l'Occident (proxy war ou "guerre par procuration") : impliquant forcément une escalade de la confrontation militaire directe entre la Russie et l'OTAN.

8- Poutine face à un dilemme

Attendons maintenant de voir le dénouement de cette guerre fratricide entre russes et ukrainiens, décidée par Poutine seul, en excluant le pire scénario d'une possible guerre nucléaire entre la Russie et l'OTAN :

Dans les deux cas de figure, la Russie de Poutine se retrouvera ISOLEE ET AFFAIBLIE face à l'Occident (Etats-Unis, Union européenne et OTAN) qui a finalement décidé de soutenir l'Ukraine dans son combat pour la liberté. Certes la Chine, qui partage 4250 km de frontière commune avec la Russie, a montré un soutien mitigé pour cette dernière, car rappelons le conflit frontalier sino-soviétique de 1969; voir la carte ci-dessous montrant aussi 13 autres pays limitrophes. Donc l'affaiblissement militaire de sa voisine, la Russie, "devrait arranger" la Chine. D'où, géopolitiquement, le malheur des uns fait bien le bonheur des autres! Par ailleurs, la croissance économique de la Chine, l'atelier du monde, sera de toute manière indirectement "impactée" par cette guerre; ce qui n'est pas au goût de Xi Jinping.

Au 16/05/2022, voici un échange de vues très évocateur entre le colonel Mikhail Khodarenok, analyste militaire russe retraité, et la journaliste Olga Skabeyeva d'une TV d'état Russe, qui décrit une situation très critique de l'armée russe sur le front.

A fin avril 2022, cette guerre a de facto entraîné indirectement les Etats-Unis et l'OTAN à soutenir ouvertement l'Ukraine :

Une forte dépendance des pays européens au gaz russe; donc s'en passer à court terme sera un exercice très difficile.

L'avenir économique de la Russie s'annonce donc très difficile face aux sanctions internationales. Dans un reportage DW Business Special daté du 04/08/2022, Jeffrey Sonnenfeld assisté de son équipe de Yale School of Management déclare : "the narrative that Russia is riding out the sanctions is false. Their own research suggests Russia’s economy is suffering much more severely than widely reported."

D'autres experts pensent même que Poutine ne survivra pas à ce massacre des ukrainiens qu'il a osé commettre alors que l'unité nationale de la Russie reste fragile.

Par ailleurs, selon Larry Fink le patron de BlackRock (le plus important gestionnaire d'actifs au monde, avec près de 7 800 milliards de dollars d'encours en octobre 2020), Poutine a sérieusement compromis (put an end to the globalisation) la dynamique de la mondialisation. L'économiste, Adam S. Posen a la même conclusion : "The End of Globalization? What Russia’s War in Ukraine Means for the World Economy" - March 17, 2022.

Source : GZEROmedia.com 23/02/2022 - Les exportations de blé de l'Ukraine pesaient donc près de 7% du total mondial en 2019.

On verra donc une tendance mondiale à une réduction du commerce avec la Russie (3ième producteur mondial de blé avec 72,5 millions/tonnes/an et l'Ukraine 7ième avec 28,6 millions/tonnes/an) et une baisse brutale des exportations ukrainiennes de blé, exacerbant la crise alimentaire provoquée par la Covid-19. A ce sujet, Chanel 4 news parle d'une stratégie cynique de Poutine qui cherche à affamer le monde en essayant de bloquer l'exportation du blé ukrainien et d'en voler une quantité au passage ; voir les vidéos du 30/06/2022 "Russia's best weapon in Ukraine isn't even on the battlefield" et du 07/07/2022 "Russia Is Using a Secret Network to Steal Ukrainian Grain | WSJ". D'ailleurs, voici un reportage du 25/03/2022 qui résume assez bien le " bras de fer" économique entre l'Occident et la Russie : "Special report: The financial battle taking place over Ukraine and Russia."

Huit mois plus tard : une déclaration plutôt pessimiste de la même personne.

En décrivant ce "coup de poker" d'un Poutine présomptueux pensant en quelque jours écraser l'Ukraine, George Friedman, politologue américain, a brillamment résumé l'enjeu géostratégique et géopolitique pour la Russie. En effet, les Etats-Unis sont maintenant à l'affût d'un sérieux affaiblissement de la Russie, si Poutine n'arrive pas à conquérir l'Ukraine comme il l'avait prévu. D'ailleurs, Hélène Carrère d'Encausse, grande spécialiste de la Russie, dans une interview du 08/05/2022 a conclu que cette guerre en Ukraine a évolué vers une confrontation directe entre un Poutine d'apparence "insidieusement déconnecté" de la réalité et les Etats-Unis résolument décidés à affaiblir la Russie.

En dernier, constatons une certaine incohérence dans le raisonnement de Poutine :

  1. Il n'a jamais accepté que l'Ukraine soit devenue indépendante de la Russie.
  2. Ayant exigé en vain que l'Ukraine reste neutre et n'intégrera jamais l'OTAN, il a donc pris prétexte du non-respect des accords de Minsk 1 & 2 pour envahir l'Ukraine.
  3. En se revendiquant de Pierre le Grand pour bâtir l'Empire russe du début du XVIIIe siècle, il a décidé de reconquérir l'Ukraine en faisant fi du droit international de la souveraineté du pouvoir d'un Etat sur une zone géographique et sur la population qui l'occupe. En fait, il essaye d'élargir l'annexion réussie de la Crimée en 2014.
  4. Ne pouvant plus conquérir la totalité de l'Ukraine, il va se contenter de consolider la Crimée pour contrôler la Mer d'Azove et la Mer Noire, en annexant les zones du Donbass-Marioupol-Kherson-Odessa.
  5. Mais durant la session plénière du Forum économique de Saint-Pétersbourg (nord-ouest) du 17/06/2022, concernant la demande d'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne, il a déclaré : "Nous n'avons rien contre, c'est leur décision souveraine d'adhérer à des unions économiques ou pas (…) C'est leur affaire, l'affaire du peuple ukrainien".
  6. Donc résumons les explications "tirées par les cheveux" de Poutine :
    • J'envahi l'Ukraine en bombardant ses villages, ses villes et ses populations civiles parce qu'elle doit faire partie de l'Empire russe.
    • Mais comme je ne peux plus conquérir tout le pays, je vais me contenter de la zone sud-est du Donbass-Marioupol-Kherson-Odessa, et l'Ukraine est souveraine d'adhérer à l'Union européenne mais pas à l'OTAN à cause de la sécurité de la Russie (Sic!).
  7. Or, si l'Ukraine adhère à terme à l'Union européenne (UE), logiquement elle sera un pays renforcé économiquement, démocratiquement et souverainement. Donc sa sécurité militaire deviendra indissociable de son appartenance à l'UE. Selon Heather Conley l'article 10 du North Atlantic Treaty Washington D.C. april 4, 1949 dispose : "The Parties may, by unanimous agreement, invite any other European State in a position to further the principles of this Treaty and to contribute to the security of the North Atlantic area to accede to this Treaty. Any State so invited may become a Party to the Treaty by depositing its instrument of accession with the Government of the United States of America. The Government of the United States of America will inform each of the Parties of the deposit of each such instrument of accession". Au 07/09/2022, l'Ukraine renforce son avantage vu l'isolement progressif de l'économie de la Russie de Poutine. Mais reconnaissons aussi le "toupet" du prétentieux Poutine à vouloir affronter en même temps l'Union européenne et les Etats-Unis sur le terrain économique et militaire.
  8. D'où le diktat de la Russie sur l'Ukraine (qui deviendra à terme membre de l'Union européenne), ne pourra plus perdurer. Face à Poutine, l'Union européenne (aidée par l'OTAN) sera obligée d'assurer également la sécurité de son futur nouveau membre : l'Ukraine. C'est la solidarité entre les pays du monde libre qui sera mise à l'épreuve.

9- Conclusion

Mon bilan de ce conflit, en début 2023, est résumé par l'excellente vision militaire et politique du Général de corps d'armée Michel Yakovleff ; voir l'interview dans lequel il nous partage trois hypothèses de fin de conflit Russie/Ukraine et les impacts mondiaux. Au chrono 28:50, il s'inquiète de l'imminente désintégration de la Russie, vu son régime politique et son modèle économique sérieusement rongés par la corruption. Il pense que la guerre en l'Ukraine sera un catalyseur de cette future implosion.

Je rejoins la triste conclusion de Nic Robertson, journaliste à CNN qui a couvert la Russie pendant 30 ans : le peuple russe en général n'a pas pu aspirer aux vraies valeurs d'une démocratie à cause d'un Poutine TOUT PUISSANT qui a jugé SEUL que la Russie, corrompue par son oligarchie, n'avait pas d'avenir à rejoindre le cercle des pays libres de l'Occident. Dans une allocution télévisée du 16/03/2022, Poutine s'est dit :

C'est un discours dont les idées principales se rapprochent étrangement de celles promues par Hitler. Poutine sous-entend une certaine supériorité de la société russe comparée à celle décadente de l'Occident ! Malheureusement, selon Valerie Hopkins du New York Times, grâce à une bonne propagande, le peuple russe en général continue de soutenir cette guerre déclenchée par Poutine : voir CNN du 26/02/2023 : "Shocking : Reporter says Russian losses are increasing support for Putin's war". Dominique Moïsi, géopoliticien, conseiller spécial à l’Institut Montaigne, confirme que Poutine et les russes qui le soutiennent, vivent en paria : "La Russie sous Vladimir Poutine est devenue 'l'empire du mensonge" - LCI du 21/02/2023. François Hollande enfonce le clou en déclarant que "Le problème de V. Poutine, c'est qu'il est un menteur à un point inimaginable" - LCI au chrono 5:45 ".

Quant à Arnold Schwarzenegger ancien gouverneur de la Californie, acteur et homme politique austro-américain, il s’est adressé aussi le 17/03/2022 directement au peuple russe via Twitter, pour lui « dire la vérité sur la guerre en Ukraine » et dénoncer « la propagande et la désinformation » du Kremlin. C'est un message très fort en direction de la population russe qui épousera les mêmes valeurs de liberté du monde libre, grâce à l'ubiquité du numérique : internet, réseau sociaux, information en continu.

A juste titre, Patrick Martin-Genier (enseignant à Sciences Po Paris et à l'INALCO, spécialiste des questions européennes et internationales), observe une tendance depuis 20 ans chez les jeunes de Kaliningrad (voir la carte ci-dessous l'enclave russe), à se reconnaître de plus en plus proches des valeurs de l'Occident au détriment de leur mère patrie, la Russie : voir la vidéo ci-dessous au chrono 07:50.

Je reste donc confiant qu'à terme la majorité du peuple russe aspirera aux forces de la liberté pour rejoindre le cercle de la démocratie libérale. Ce thème d'aspiration du peuple russe à plus de liberté, au même titre que les peuples libres de l'Occident, est ressassé dans les débats dont celui de LCI du 7 septembre 2022 au chrono 12:30 "Gaz : Poutine menace de tout couper à l'Europe !"

C'est pourquoi, je reste convaincu de la thèse du politologue américain Francis Fukuyama qui a "affirmé que la fin de la guerre froide a marqué la victoire idéologique de la démocratie et du libéralisme (concept de démocratie libérale) sur les autres idéologies politiques" dont le "poutinisme"; voir son ouvrage de 1992 "La Fin de l'histoire et le Dernier Homme" (titre original anglais : The End of History and the Last Man), identifié comme l'un des essais les plus importants de la fin du XXe siècle.

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